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L'ombre d'une chance, William Burroughs

Ecrit par Yann Suty 14.11.12 dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Récits, USA, Titres (Christian Bourgois)

L’ombre d’une chance (Ghost of chance 1991), traduit de l’anglais (USA) par Sylvie Durastanti, novembre 2012, 92 p. 7 €

Ecrivain(s): William Burroughs Edition: Titres (Christian Bourgois)

L'ombre d'une chance, William Burroughs

 

Dans ce court texte publié en 1991 aux Etats-Unis, William Burroughs reprend le fil des aventures du capitaine Mission, un capitaine d’aventures du XVIIIe siècle qu’il avait fait figurer dans le Havre des Saints et qui avait, depuis lors, fait des apparitions plus ou moins fugitives dans ses œuvres romanesques.

Le capitaine Mission dirige la Liberatatie, une colonie pirate qu’il a établie sur la côte ouest de Madagascar. Il y a promulgué une loi qui interdit de tuer les lémuriens sous peine d’exclusion de la colonie. Le crime est même passible de la peine de mort.

Pour les indigènes de la région, un lémurien est sacré. « En langue indigène, le terme employé pour lémurien signifie spectre, fantôme, ombre ». L’ombre ? Quelque chose à voir avec le titre du livre ?

Mission est aussi un émissaire de la Panique. La Panique, c’est le savoir que l’homme (qui est appelé ici un « Homo-sagouin ») redoute par-dessus tout : la vérité sur son origine.

Un jour, son bras droit, Bradley Martin, tue un lémurien qui lui a volé une mangue. Pour Mission, ce meurtre est non seulement une trahison de son second, mais aussi un symbole de l’intervention de l’homme dans un ordre naturel où il n’a pas sa place.

« Une guerre à mort » s’enclenche contre ce « nervi à la solde de tout ce qu’il exècre ». Des forces expéditionnaires française et espagnole sont en route pour attaquer la colonie. Mission se prépare à leur faire face, mais…

L’ombre d’une chance commence comme un récit d’aventures, mais emmène le lecteur ailleurs (évidemment, c’est un livre de William Burroughs !), dans un monde qui ravira à n’en pas douter les familiers de son œuvre. Des visions hallucinées se succèdent. Les thématiques chères à l’auteur sont au rendez-vous, tels les complots ou les virus.

Il est ainsi question d’un virus qui s’appelle le « mal christique ». Un nom qui est déjà tout un programme ! « Ceux qui en meurent ne sont rien, comparés à ceux qui y survivent ».

En fait, les choses se passent comme si le texte lui-même de Burroughs était parasité par un virus. Le récit d’aventures initial du capitaine Mission mute. Il devient autre chose qu’il est serait dommage de dévoiler…

Burroughs nous embarque dans son trip. On se perd, on retrouve des repères pour mieux se perdre à nouveau. On a l’impression d’être manipulé, de subir le même sort que certains de ses personnages.

« Afin de détourner leurs administrés des problèmes de surpopulation, d’appauvrissement des ressources, de déforestation, de pollution pandémique de l’eau, des terres et du ciel, le Conseil lança une offensive de grande envergure contre la drogue. Ce prétexte lui permit de mettre en place un appareil policier international visant à supprimer la dissidence de par le monde. Cet appareil international fut dénommé ANA : Association Anti-Narcotiques. En arabe ana signifie “moi”, aussi ANA peut-il être abrégé en œil ».

Comme à son habitude, Burroughs casse les codes traditionnels du récit. Si L’ombre d’une chance débute d’une manière assez classique, c’est pour mieux nous faire tomber dans son piège. Les tableaux hallucinés se succèdent. Il est parfois difficile de trouver du sens. Mais il n’est pas nécessaire d’en trouver mais de se contenter de vivre l’expérience.

« – Pourquoi ?

– Il n’y a pas de pourquoi ».

 

Yann Suty


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A propos de l'écrivain

William Burroughs

 

Né à Saint-Louis en 1914, William Burroughs est mort en 1997, à 83 ans. A la fin de ses études, il émigre à New York, plonge sciemment dans le monde de la pègre et devient intentionnellement héroïnomane. Parallèlement, à l’université de Columbia, il fait la connaissance d’Allen Ginsberg et de Jack Kerouac.

Vers 1950, Burroughs se met à écrire. Il tue sa femme accidentellement et s’éclipse en Amérique du Sud. En 1954, il s’installe à Tanger qu’il ne quittera qu’en 1964. Ses intoxications se font de plus en plus aigües. Après sa désintoxication entreprise à Londres, il écrit beaucoup : Le Festin nu, La Machine molle, Le Ticket qui explosa, Nova express, Les Derniers mots de Dutch Schultz, Le Job, Les Garçons sauvages… C’est en 1975 que Burroughs repart vivre à New York, où il devient une des « stars » de la « scène new-yorkaise ». Gourou de la Beat Generation, éminence grise controversée de l’avant-garde internationale, prophète sombre à l’humour des plus noirs, William Burroughs a eu une influence avec laquelle peu d’écrivains vivants ont rivalisé.

 

A propos du rédacteur

Yann Suty

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Membre fondateur


Yann Suty est écrivain, il a publié Cubes (2009) et Les Champs de Paris (2011), chez Stock