L'obsession : le roman arabe contemporain est malade !
SOUFFLES ...
Je ne veux pas tomber dans des généralités infécondes, mais ce que je développe est phénoménal et mérite d’être pensé. Repenser. Le roman arabe contemporain est otage d’obsessions. Il est obsédé par la politique, démesurément idéologique. Il est fait de dénonciations, de lamentations et de “faux barrages” dressés par les islamistes ! Et parce qu’ils sont hantés par une seule obsession, les romanciers arabes écrivent la même chose, dans un même texte qui change de titre. Ils écrivent de la même façon la même amertume. Dans un monde Arabo-musulman où le romancier, dans sa vie privée comme dans ses pensées politiques ou philosophiques, est assiégé par une chaîne de montagnes d’interdits, de toutes couleurs, dans ce monde où la liberté individuelle est confisquée, l’individu n’est qu’un rien appartenant à un troupeau qui, à son tour, aux yeux des pouvoirs, n’est qu’un double rien !
Dans ce monde affolant et affolé, l’écriture romanesque est habitée par une seule obsession : la politique. La politique dans son sens péjoratif ! Cette situation littéraire perdure depuis l’ère des mouvements de libération nationale, dans la première moitié du siècle dernier. Dans une vie agitée, menacée et incertaine, le romancier arabisé ou arabophone n’a pas réussi à créer une distance de méditation ou de recul pour mieux regarder, mieux lire et analyser le cours de l’histoire. Dans la littérature romanesque arabe contemporaine, la distance existante entre le discours littéraire relevant de l’imaginaire d’un côté et le discours politique de l’autre est minime ou inexistante, presque. La voix idéologique est criarde. Là où la liberté politique, la liberté d’expression, la liberté d’opinion est menacée, interdite ou de façade, le discours littéraire romanesque se trouve noyé dans le politique, fait dans la dénonciation ou dans la célébration. Dans une terre d’islam où la religion, par sa présence politiquement intégriste ou hégémonique et socialement hypocrite, le lecteur se voit livré à un roman qui n’est que l’écho de la voix religieuse ou une autre contre la répression religieuse. Mais, dans les deux cas, on est toujours dans un discours politico-idéologique dénonciateur et hargneux ! Dans un bled où la femme est muselée, vue et considérée comme la sœur jumelle de la démone. La faute. Source de la honte. Handicapée. Célibataire, mariée, mère ou grand-mère, elle est mineure, incapable. Réduite à une chose ! Dans un monde pareil où la femme est condamnée à vivre, toute sa vie, derrière les barreaux d’accusation, le texte romanesque n’est qu’un tas d’obsessions sexuelles, de maladies sentimentales ou de déséquilibres charnels. Dans un espace cauchemardesque appelé le monde Arabo-musulman, où la misère, tous genres de misères, est incontestable, le roman n’est qu’un long texte répété et répétitif inondé d’obsessions sociales. Dénonciation d’el-hogra, l’humiliation. Dans une culture littéraire condamnée à subir les séquelles des saisons politiques, le roman arabe contemporain n’est que la résultante de cette situation : il n’est, lui aussi, que texte saisonnier. Dans ce monde Arabo-musulman, culturellement et politiquement déséquilibré, où le citoyen subit l’injustice, la dictature, l’intolérance, l’exclusion et le fanatisme, le roman arabe contemporain se ressemble. Le lecteur sent qu’il est en train de lire, cela perdure depuis presque un siècle, le même texte, un seul texte dont les personnages changent de nom et de ville. Et l’exception confirme la règle.
Amin Zaoui
(Liberté du jeudi 13 mars 2014)
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