L’inventeur, Miguel Bonnefoy (par Stéphane Bret)
L’inventeur, Miguel Bonnefoy, éditions Rivages, août 2022, 200 pages, 19,50 €
Ecrivain(s): Miguel Bonnefoy Edition: Rivages
Miguel Bonnefoy est un auteur qui aime nous familiariser avec des destins extraordinaires : celui de la famille de Michel René Lonsonier, contraint de quitter son Jura natal au milieu du 19ème siècle, après que l’épidémie de phylloxéra a tué la vigne, pour s’installer au Chili, dans Héritage. Dans Sucre noir, Severo Bracamonte part à recherche d’un trésor dans un village des Caraïbes. C’est l’occasion de brosser un tableau du passé de cette région, d’hommes en proie à leurs désirs, à des revers de fortune aussi.
Miguel Bonnefoy ne déroge pas à cette règle dans son nouveau roman : L’inventeur. Il y décrit le parcours d’Augustin Mouchot, fils de serrurier, professeur de mathématiques, qui découvre l’énergie solaire au beau milieu du XIXe siècle. Les étapes de la mise au point de cette invention sont abondamment relatées dans le récit. Elles sont marquées par les difficultés rencontrées par Mouchot pour faire connaître son invention, la populariser auprès des dirigeants et sommités du moment :
« Une excitation, mêlée de craintes, gonfla son cœur. Il ouvrit les fenêtres et les volets, leva le poing et le tendit vers le ciel, comme s’il voulait provoquer le soleil en duel. (…) À le voir ainsi, sortant de son petit appartement d’Alençon, le pas pressé et enfantin, personne n’imaginait que cet homme anonyme et quelconque ferait un jour la une des journaux et qu’on l’appellerait le “Prométhée moderne” ».
Ce qui frappe dans le récit de Miguel Bonnefoy, c’est le côté ordinaire de cet homme, sa modestie, ses craintes de ne pas bénéficier d’un bon carnet d’adresses, ses interrogations sur la validité réelle de son invention. Cet homme, nous dit Miguel Bonnefoy, a besoin d’un assentiment, d’une confirmation, d’un signe extérieur : « Il fut inondé d’une joie immense. Non pas d’une joie épiphanique (…) mais d’une joie plus silencieuse et plus mesurée, comme celle que donne la confirmation d’une vocation ».
Augustin Mouchot bénéficiera des circonstances pour imposer son invention, la médiatiser, comme nous dirions aujourd’hui ; ce sera lors de l’Exposition universelle de 1878 à Paris, il est consacré en compagnie de son collaborateur : « En quelques jours, le couple Mouchot-Pifre se plaça devant un triomphe inattendu, au centre de toutes les conversations. Le 31 octobre, le jury leur remit la médaille d’or de l’Exposition universelle ».
Conduit à expérimenter son invention en Algérie, Augustin Mouchot est toujours traversé par des interrogations, des doutes divers. Miguel Bonnefoy nous rend ainsi ce personnage tout autant sympathique, humain mais emblématique. Il va recontacter Abel Pifre, pour accepter sa proposition de rachat du brevet de son invention, non sans s’entendre dire par ce dernier : « Tu seras toujours le père de cette invention ».
La découverte de l’énergie solaire était-elle prématurée dans ce temps où l’on se tourne résolument vers le charbon ? Qu’il fût desservi par les travers du moment ne nous dissuade nullement d’apprécier cet homme dans son humanité. Le roman de Miguel Bonnefoy y réussit très bien, se plaçant dans la lignée de ses précédents récits pour réussir un portrait d’une ambition, des combats d’un homme dans son époque : un inventeur.
Stéphane Bret
Miguel Bonnefoy est l’auteur de plusieurs romans, dont Le voyage d’Octavio (prix de la Vocation), Sucre noir et Héritage (prix des libraires 2021).
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