L’inconsolable, Et autres impromptus, André Comte-Sponville (par Ana Isabel Ordoñez)
L’inconsolable, Et autres impromptus, 304 pages, 19 €
Ecrivain(s): André Comte-Sponville Edition: PUFInconsolable devant la perte de son enfant, le philosophe André Comte-Sponville a repris le format des Impromptus, c’est à dire des textes brefs, écrits entre philosophie et littérature. L’ouvrage s’intitule L’inconsolable et autres impromptus, publié chez Puf en février 2018.
Les premiers Impromptus publiés chez Puf en 1996 ont laissé des traces indélébiles et voilà qu’on se retrouve avec L’inconsolable et autres impromptus, qui d’une certaine façon nous fait changer de pensées, cette fois-ci sur le deuil et la vie même. Dans le sens où la perte d’un être cher altère le temps, on perçoit chez Comte-Sponville comme un geste transcendant et vertueux exprimant l’amour pour ce fils perdu.
Un événement bouleversant qui change le cours d’une vie, se ramifiant entre continuité et rupture dans une pérégrination philosophique. Comme un avant et un après, ces inconsolables esquisses ont des traits de grande sagesse ; déjà en1996, page 112 des Impromptus, l’auteur écrivait « être en deuil, c’est être en souffrance, au double sens du mot, comme douleur et comme attente : le deuil est une souffrance qui attend sa conclusion, et c’est pourquoi toute vie est deuil, toujours, puisque toute vie est douleur, comme disait le Bouddha, en quête du repos ». Mais pour le reste du monde, pour le père qui pleure son enfant, la vie continue malgré tout. C’est peut-être pour cela que Comte-Sponville nous parle dans L’inconsolable et autres impromptus de la joie de vivre, dès la page 31 : « il y a mille raisons de se réjouir, et mille aussi – ou davantage – d’être triste ».
Ces Impromptus sont pure sagesse inconsolée et marquent la fissure temporelle que Comte-Sponville est en mesure de supporter. Ce que nous montre le philosophe par rapport à la perte, c’est qu’à un moment précis, la douleur de la mort, donc de la perte pour celui qui est encore vivant, reste difficile à oublier.
La magie de l’œuvre du moraliste Comte-Sponville est dans le changement de ton qui met en perspective la vie et la mort, la mort et la vie, l’être et le non-être. Devant ces invariances, le philosophe affirme avec véhémence ses idéaux moraux. Même si Comte-Sponville se sent inconsolable, le lecteur perçoit dans la fêlure un profond désir de rédemption. L’inconsolable et autres impromptus fait honneur à l’honnêteté et autres vertus. L’harmonie de la ligne, de la forme et du ton des expressions philosophiques du moraliste se reflète dans ces textes brefs. Face au destin qui l’accable avec une vérité absolue, l’auteur acquiesce et énonce l’exaltation de sa science et de son Art.
Cet ouvrage philosophique est à lire sans modération. C’est une combinaison inconsolablemente-serena des Impromptus, unique, imaginative qui préserve la mesure de sa propre variation. « Pour Ana Isabel, un livre qui a changé sa vie, me dit-elle. Bien chaleureusement ». Cette dédicace délivrée dans les Impromptus (PUF-1996-Paris) enserre dans « me dit-elle » la constante abstraction puisque rien n’est perpétuel, toute chose est renouvelée par le mouvement des pensées, au-delà de ce qu’on appelle l’invisible ou la vie même. Disais-je que les Impromptus avait changé ma vie, mais je ne savais pas que L’inconsolable et autres impromptus allait lui donner un nouveau croquis, une nouvelle émotion, un geste inconsolable de l’esprit contournant la narration et la philosophie.
Ana Isabel Ordoñez
André Comte Sponville est un philosophe, moraliste et humaniste français. Lauréat du prix La Bruyère de l’Académie Française, Docteur Honoris Causa de l’Université de Mons, Hainaut (Belgique). Tout au long de son parcours d’écrivain-philosophe et à travers ses nombreux ouvrages traduits dans plusieurs langues, André Comte-Sponville fait de la philosophie un outil pour transcender la religion. Se définissant comme un athée fidèle, il recherche la sagesse en explorant les thèmes de la morale humaine de toutes les époques mais aussi la philosophie politique. Il habite à Paris.
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