L’homme de la plaine du Nord, Sonja Delzongle (par Jean-Jacques Bretou)
L’homme de la plaine du Nord, Sonja Delzongle, mars 2021, 448 pages, 8,60 €
Edition: Folio (Gallimard)
Ernest Gare a cinquante-deux ans. C’est le fils de Victor Gare, trouvé nourrisson dans une gare. C’est un gars qu’a mal tourné, sa profession : tueur à gages. À trente ans, il s’est retrouvé au placard où il a tiré quinze ans, puis a soigné sa mère paraplégique. Enfin, il a dû faire face à la maladie, le cancer qui le rongeait et qui l’a rendu chauve. Mais la calvitie pour son deuxième métier c’est plus pratique, la nuit sous les feux d’une boîte spécialisée, il présente, travesti, sa perruque blonde bien en place, son numéro de transformiste. Ernest Gare, c’est aussi Frida, une troublante créature dont le roulé de hanches semble avoir séduit le commissaire Peeters. Ernest a un petit ami, son rat albinos Berlioz.
Hanah Baxter, l’héroïne récurrente de Delzongle, n’a pas perdu son instinct maternel, elle envisage une GPA avec son amie Karen lorsqu’elle est arrêtée par le FBI. On lui reproche d’avoir mis fin aux jours de son mentor et ex-associé le profileur Anton Vifkin, il y a vingt ans de cela. En fait, elle est envoyée de son quartier de Brooklyn sur le vieux continent pour enquêter sur la mort de ce dernier.
À l’arrivée de l’aéroport son regard va croiser le visage d’un homme qu’elle trouve bizarre et qui lui dit quelque chose, c’est là que deux fils de cette histoire se croisent. Il y en aura un troisième, la découverte dans une forêt du corps affreusement mutilé d’un homme déchiqueté et dévoré par des chiens près d’une maison qu’elle semble avoir connue une vingtaine d’années auparavant.
Sonja Delzongle arrive à nous tenir en haleine, pourtant les nœuds qui constituent la trame de ce roman sont assez gros. Peut-on encore croire au hasard lorsque la probabilité que deux évènements, a priori sans rapport, se rencontrent ? Peut-être puisque par essence c’est une propriété de la littérature que de pouvoir rendre crédible l’invraisemblable. L’auteur serait fautif si et seulement si le lecteur ne pouvait se laisser prendre par sa lecture et ne voir que l’architecture du roman. L’écrivain exerce une forme d’illusionnisme en se servant du pouvoir des mots. C’est ainsi que l’on créée les héros. Dans L’homme de la plaine du Nord, les héros en voient de toutes sortes des vivants et des morts, des chiens et des hommes, adultes ou enfants, en sang, éviscérés, c’est un défilé cauchemardesque. C’est un thriller frôlant avec le genre de l’horreur, âme sensible s’abstenir même si tout ceci n’est que littérature.
Jean-Jacques Bretou
Sonja Delzongle, née en 1967 d’un père français et d’une mère serbe, a grandi riche de deux cultures. Diplômée de l’école des Beaux-Arts de Dijon, elle expose pendant une quinzaine d’années puis devient journaliste en presse écrite à Lyon, où elle vit toujours. Elle se consacre aujourd’hui exclusivement à l’écriture.
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