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L’héritage du commandant, Rainer Höss

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret 25.02.17 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Biographie, Langue allemande, Histoire

L’héritage du commandant, éd. Notes de nuit, novembre 2016, trad. allemand Elisabeth Willenz, préface Bernhard Gotto, 250 pages, 20 €

Ecrivain(s): Rainer Höss

L’héritage du commandant, Rainer Höss

 

Fabian Gastellier est devenue éditrice pour que le passé revienne comme une onde, et plus particulièrement afin que demeure la mémoire des victimes de la Shoah, et dans le but de tirer le monde loin de la barbarie. Celle-ci assiège toujours le présent. Il faut donc rameuter un temps qui fut vécu par certains au-delà de toute conscience. Le livre de Rainer Höss le prouve. Petit-fils de Rudolf Höss, commandant du camp d’extermination d’Auschwitz, sa famille vécut en toute quiétude à deux pas de l’horreur. Né bien après l’Holocauste, l’enfant doit se sou­mettre au silence imposé par sa famille afin de préserver l’image de son aïeul. Mais il semble assommé par un tel poids. Refusant la torpeur programmée, il réveille ce passé tant celui-ci le consume. Il voue son travail et sa vie au com­bat contre la dis­cri­mi­na­tion, mul­ti­plie les inter­ven­tions publiques en évoquant non les vic­times mais ceux qui furent au plus près de leur extermina­tion.

S’appuyant sur les mémoires de son grand-père, Rai­ner Höss en cite des pas­sages aussi « naïfs » que ter­ribles : « Ma famille avait la belle vie à Ausch­witz ». Et le Com­man­dant de pré­ci­ser : « Ma femme avait son paradis fleuri (…) Les enfants s’épanouissaient libre­ment et sans contraintes. Dans le jar­din ils avaient tou­jours plein d’animaux que leur rap­por­taient les déte­nus ». A côté, d’autres enfants étaient gazés. L’auteur rap­pelle que leurs cendres servaient d’engrais à ce « Paradis ». Et il évoque cer­tains mots de sa grand-mère : « Lavez bien les fraises, les enfants, à cause de la cendre ».

Lourd de cet insup­por­table héri­tage, Höss avoue n’avoir eu qu’un réflexe : « hurler ». Mais il a su transformer son cri en témoignage afin que rejaillissent les masses obs­cures du passé abys­sal, afin que le sujet humain n’endure plus un tel naufrage. Il faut pour cela parfois oser préférer l’Histoire à sa « mère » afin de démonter les pro­cé­dures men­tales qui permettent de faire abstraction de l’horreur. Existe de la part de Höss le plus grand pou­voir de la conscience afin de rappeler com­ment les innocents furent condam­nés et sacri­fiés au non-temps, au non-être, par une idéo­lo­gie qui effa­ça toute raison. Et ce, où beaucoup cherchent à faire passer de tels actes sous le sceau du secret en fabriquant au besoin des mensonges sur l’horizon du passé. A l’inverse, l’auteur fait renaître les morts qui n’ont plus de mémoire pour façonner avec eux des significations immémoriales.

Il faut en effet que la mémoire remonte, traverse le présent afin que celui-ci contemple le passé avec lucidité. Car le passage de l’ordre de la destruction et le vertige de l’horreur sont toujours latents. Höss force à comprendre comment ils se fomentent dans ce qui tient de la plus terrifiante des indifférences.

 

Jean-Paul Gavard Perret


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A propos de l'écrivain

Rainer Höss

 

Rainer Höss, né le 25 mai 1965 à Ludwigsburg (Allemagne), est connu pour être l'un des petit-fils de Rudolf Höss, qui fut le principal commandant du camp d'extermination d'Auschwitz. Dégoûté par le passé de sa famille, il effectue de nombreuses actions s'inscrivant dans le devoir de mémoire relatif aux crimes contre l'humanité perpétrés par les Nazis.

 

A propos du rédacteur

Jean-Paul Gavard-Perret

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Domaines de prédilection : littérature française, poésie

Genres : poésie

Maisons d’édition les plus fréquentes : Gallimard, Fata Morgana, Unes, Editions de Minuit, P.O.L


Jean-Paul Gavard-Perret, critique de littérature et art contemporains et écrivain. Professeur honoraire Université de Savoie. Né en 1947 à Chambéry.