L’Exposition, Nathalie Léger (par Jean-Paul Gavard-Perret)
L’Exposition, Nathalie Léger, janvier 2020, format Poche, 160 pages, 9 €
Edition: P.O.L
L’enfance de l’art
Ressort en format Poche le premier livre de Nathalie Léger paru aux éditions P.O.L en 2008. L’auteure fait preuve déjà de son goût et de son intérêt pour les « images » oubliées comme elle le réalisa aussi dans Supplément à la vie de Barbara Loden.
À l’occasion d’un projet d’exposition sur La Ruine, la narratrice relate sa rencontre inopinée avec une héroïne oubliée du second Empire : la comtesse de Castiglione. Elle en remonte l’histoire à partir d’un recueil de photographies retrouvées dans sa bibliothèque. Adulée pour sa grande beauté mais aussi pour sa prétention et sa triste fin, cette femme a entretenu un rapport étrange avec sa propre image. Elle avait dérisoirement confié le sens de sa vie à la photographie. Adepte narcissique de son reflet, elle n’a cessé de se faire capter par l’appareil photographique. Celui-ci au fil du temps renvoie moins la beauté qu’une solitude. Elle transparaît dans une suite de portraits qui rendent compte des émerveillements comme des échecs d’une existence.
La narratrice, sous les décors en stuc d’un Second Empire rococo, met en évidence des problématiques qui dépassent l’époque et renvoient à la nôtre : l’effroi du corps et de l’image qu’il retourne à l’envoyeur comme au voyeur, la peur du regard de l’autre, le désir de se rattacher à des vestiges dérisoires pour « tenir ».
L’écriture du livre rend compte du désir et de la cruauté qui pèsent sur cette femme et ses ombres : la recherche de la mère tant aimée et de l’enfance qu’elle connut. Nathalie Léger dessine ces lieux perdus, le rêve et le cauchemar d’une vie de celle qui reste attachée à son enfance perdue qui dessine une mélancolie plus qu’un désir. Mais les deux permettent de reconnaître l’endroit où la vie bascule dans le grouillement qui prend pour grenier le corps. Il devient soupente où la silhouette rêvée qui croit trouver toujours quelque désir à grignoter tourne à une forme de monstruosité. Elle met des bémols à la partition mentale de la Comtesse victime de son reflet.
Jean-Paul Gavard-Perret
VL3
NB : Vous verrez souvent apparaître une cotation de Valeur Littéraire des livres critiqués. Il ne s’agit en aucun cas d’une notation de qualité ou d’intérêt du livre mais de l’évaluation de sa position au regard de l’histoire de la littérature.
Cette cotation est attribuée par le rédacteur / la rédactrice de la critique ou par le comité de rédaction.
Notre cotation :
VL1 : faible Valeur Littéraire
VL2 : modeste VL
VL3 : assez haute VL
VL4 : haute VL
VL5 : très haute VL
VL6 : Classiques éternels (anciens ou actuels)
Nathalie Léger dirige l’IMEC (Institut Mémoire de l’Edition Contemporaine). Elle a reçu le prix du Livre Inter pour Supplément à la vie de Barbara Loden, en 2012, et le prix Wepler pour La Robe blanche, en 2018.
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