L'explosion du journalisme, Ignacio Ramonet
L’explosion du journalisme, février 2013, 163 p. 7,50 €
Ecrivain(s): Ignacio Ramonet Edition: Folio (Gallimard)
La presse, comme pouvoir, a-t-elle encore un avenir ? Peut-elle jouer un rôle autre que celui du courtisan ou du porte-voix du maître ?
Familier des questions relatives aux pouvoirs des medias et à l’influence de la communication, traitées dans ses ouvrages tels que Propagandes silencieuses ou La tyrannie de la communication, c’est à l’examen de l’évolution de la presse mondiale que se consacre cette fois Ignacio Ramonet dans son dernier essai L’explosion du journalisme.
La presse est menacée, selon l’auteur, par l’évolution même des medias. On est passé, depuis l’avènement d’Internet, d’une situation où les medias de la presse écrite se partageaient le pouvoir, reflétaient parfois des courants d’opinions tranchés, à une prolifération de l’information.
Les réseaux sociaux, les blogs, ont transformé le paysage médiatique en société-réseau, société dans laquelle chacun a vocation à devenir lui-même journaliste en utilisant ces outils de communication : Facebook, Twitter, la toile. On assiste, d’après Ignacio Ramonet, à une sorte de prolétarisation des métiers de l’information par l’apparition des forçats de la toile, ces journalistes pigistes faiblement rémunérés, au statut précaire et aux journées de travail interminables.
Autre point inquiétant selon l’auteur : la concentration de la presse dans les mains de quelques propriétaires. Ainsi Ignacio Ramonet prend-t-il l’exemple français : « La presse écrite se retrouve ainsi concentrée entre les mains d’une petite poignée d’oligarques. Serge Dassault, patron du groupe Dassault s’est emparé en 2004 du Figaro (…), Bernard Arnault, patron du groupe de luxe LVMH, s’est offert Les Echos (…), Edouard de Rothschild s’est offert Libération ». Situation dangereuse car les organes de presse intégrés dans ces groupes voient leur indépendance gravement compromise selon Ignacio Ramonet.
Ce dernier pointe d’autres perversions susceptibles de corrompre ce métier : l’apparition des journalistes de communication, au service exclusif des entreprises qui les emploient, et surtout la prolifération de l’information, la vitesse excessive à laquelle elle circule. Une information apparue dans la journée peut être démentie quelques heures plus tard.
La partie n’est pas perdue, selon Ignacio Ramonet. Des contre-pouvoirs sont apparus tels que les réseaux comme Wikileaks ou Politico.com, site d’information privilégié sur les arcanes de la politique nord-américaine. En fait, l’auteur considère qu’une presse de qualité doit rompre, aussi bien sur le papier que sur le Net, avec la frivolité, le culte de la vitesse, la médiocrité. Il cite ainsi l’exemple du journal allemand Die Zeit, qui continue à publier des articles de qualité, documents, critiques, et éventuellement longs. La réussite d’un organe de presse ne passe pas donc forcément par un nivellement par le bas : « Die Zeit et tous les journaux qui n’ont pas trahi leurs lecteurs, qui ont su conserver leur crédibilité et qui maintiennent leur exigence de qualité, ne sont nullement menacés d’extinction. Ceux-là ne disparaîtront pas ».
On ne peut que souscrire à un objectif de cette nature, dont l’atteinte serait plus conforme à la place de la presse comme quatrième pouvoir et comme support de la démocratie.
Stéphane Bret
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