L’ère de la brebis qui parle en arabe !, par Amin Zaoui
La société algérienne se trouve, de plus en plus, noyée dans le charlatanisme. Inondée par les fables et les illusions mensongères. Il paraît, de plus en plus, que cette société a les pieds enfoncés dans la boue d’un temps morose où la bêtise est généralisée ou presque.
Depuis le mensonge divin du FIS (parti du Front islamique du salut) des années quatre-vingt-dix, depuis cette illusion politico-céleste caractérisée par l’écriture du nom d’Allah au laser, la société algérienne s’enracine dans le trouble et dans la stupidité. C’était dans un meeting djihadiste, où les militants du FIS fêtaient leur victoire politique controversée, et au-dessus des têtes de leur militants et militantes, et sous la voix de leur guide Abbassi Madani, ont projeté dans le ciel le nom d’Allah écrit au laser. Des dizaines de fous d’Allah, en voyant le nom d’Allah écrit dans le ciel, sont tombés dans les pommes ! Pour leur guide, c’est le bon Dieu, Allah s’est manifesté pour les aider, pour les féliciter et pour les honorer ! « Allah s’est révélé aux fidèles du FIS !! ». « Ils ont vu, de leurs propres yeux, le nom du bon Dieu inscrit dans le ciel. Le miracle ! ». Depuis ce jour-là, la société algérienne s’enterre, et de plus en plus, dans la boue de la fausse conscience politico-religieuse.
Prise en otage par le charlatanisme religieux, politique, et médiatique, notre société, de plus en plus, s’islamise, se vide de l’intelligence, de la raison. Et les intellectuels de la lumière désertent la scène. Et voici en 2014, cette société, qui glorieusement, avec fierté, a enfanté Djamila Bouhired, Kateb Yacine, Abdelkader Alloula, Mouloud Mammeri, Mohamed Khadda, Tahar Benaïcha… se trouve entre les mains d’un certain charlatan nommé Bellahmer. Guérisseur de toutes les maladies organiques et psychologiques : de la stérilité jusqu’au cancer ! En génie religieux-médical, il mène une guerre magique pour libérer les citoyens, ses patients, de tous les Satans, les djinns et les mauvaises âmes.
Les charlatans avancent et la raison recule. L’obscur s’établit et la lumière s’éclipse. Le fanatisme se généralise. En 2016 un autre charlatan appelé Dr Zaïbat, appuyé par les médias télévisuels conservateurs et propagandistes, soutenu par le ministère de la Santé, annonce qu’il vient de découvrir avoir un remède magique pour les diabétiques. Un miraculeux médicament appelé RHB « Rahmat Rabi » (Clémence du Dieu). Ce charlatan scientifiste a trouvé en la société algérienne fanatisée un espace humain prêt à accepter ses mensonges.
En 2018, au village de Djidiouia, à une quarantaine de kilomètres de Relizane, le bouc d’un éleveur donne du lait béni ! Une fois que l’information a été donnée par les médias fanatisés et islamisés, le village de Djidiouia s’est métamorphosé en lieu de pèlerinage médical ! Des quatre coins d’Algérie les hommes et les femmes se bousculent devant la demeure du propriétaire de ce magique bouc afin de s’offrir une dose du lait du béni bouc. Une fois de plus, et après l’urine du chameau qui guérit le cancer, voici le lait du bouc qui traite toutes les maladies chroniques !
Tout ce charlatanisme à caractère religieux ou scientifiste est appuyé et soutenu par les forces dormantes de l’intégrisme et de l’obscurantisme. Il est diffusé et pris en charge par des médias télévisuels conservateurs qui nuisent à la santé culturelle, spirituelle et intellectuelle de notre société.
Dans un pays où la roqya remplace l’ordonnance médicale. Le charlatan avant le médecin. Dans une société où les gens ont tété un bouc, où les gens ont écouté la brebis de Biskra qui a parlé en arabe annonciatrice d’une catastrophe, en ce temps même les autres, les mécréants, les occidentaux ont réussi à cloner, dans leur laboratoire, la brebis Dally ! Dans une société pareille, la nôtre, qui sommeille dans le fanatisme, la démocratie ainsi que la citoyenneté sont menacées.
Depuis le nom d’Allah au laser, en passant par le nom du Prophète écrit sur la pastèque, et jusqu’au bouc au lait béni, la société algérienne dérive, s’égare loin de la modernité et de la conscience historique.
Amin Zaoui
Rubrique "Souffles" In "Liberté. Alger"
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