L'écriture du désert
C’est elle qui m’apaise lorsque je suis en colère. Triturer les mots, mettre les mains à la pâte, sculpter des figurines qui me ressemblent, m’assemblent et qui jamais ne m’enferment. J’aime ce silence qui irradie alors de mon corps, mots aux frontières incertaines, balbutiements de l’enfant martyrisé, de la femme oubliée et de l’homme disparu. Le temps de l’écriture n’est pas différée, il déplace pour mieux suivre le rythme d’une vie qui est toujours là. Grand éclat de rire, pleurs incertains, la vie se glisse dans l’interstice des volées grammaticales. Les mots sont là, le texte est écrit, mais il n’est jamais achevé. Emprunté de l’autre, des rencontres nouvelles s’offrent à lui. Il n’a pas déshabillé son « auteur » , il ne l’a pas abandonné, il est ailleurs comme chacun est ici.
Circonvolutions, volutes épaisses d’une fumée intérieure qui s’alourdit du souffle des phrases. Densité d’un texte qui se dit en s’échappant. Que reste-t-il alors ? L’effacement d’une béance et l’ordonnance d’une vie continuée. L’écriture n’est pas une chirurgie esthétique, elle ne répare pas, elle creuse et élargit les sillons d’une chair déjà éventrée par la vie. Point de supplice et de sang éparpillé, mais plutôt « une part maudite » déposée dans l’écrin d’une parole. Ecrire, c’est accepter de perdre et d’oublier sans savoir ce qui restera. Travail d’une mémoire déjà entamée par un corps dont les limites rejoignent l’immensité du dire.
Les vibrations de l’Etre font voler en éclat de rire la femme du désert. Elle qui écrit sur les corps sablonneux des hommes, qu’espère-t-elle ? Coïncider avec le grain de sable pour mieux appartenir à cette ligne d’horizon indélébile ? Elle voudrait ne plus être que ce vent qui en effleurant les éponges du sable fait surgir la respiration des corps.
Zoé Tisset
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