L’avenir des Anciens, Oser lire les Grecs et les Latins, Pierre Judet de La Combe
L’avenir des Anciens, Oser lire les Grecs et les Latins, décembre 2015, 208 pages, 18 €
Ecrivain(s): Pierre Judet de La Combe Edition: Albin Michel
A l’heure où les récents programmes du collège, applicables à la rentrée scolaire 2016, viennent de porter un coup à l’enseignement des langues anciennes, l’ouvrage de Pierre Judet de La Combe prend la forme d’un plaidoyer raisonné en faveur de la lecture des textes des Grecs anciens et des Romains, si possible dans leur langue, et donc de l’apprentissage des langues anciennes, latin et grec, dans l’enseignement secondaire.
Il s’agit tout d’abord de combattre la thèse rebattue que l’apprentissage des langues anciennes est une manifestation d’élitisme et sert surtout la progression des bons élèves. Au contraire, dit Pierre Judet de La Combe, « savoir lire, bien lire, est un droit démocratique, comme il y a le droit à la langue, à savoir le droit de comprendre ce qui est dit et écrit et de se faire comprendre ». Les langues anciennes, comme les langues vivantes d’ailleurs ou la syntaxe du français, « n’accentuent pas le clivage entre les classes sociales. Ce sont d’extraordinaires moyens de promotion » dans les zones dites sensibles du territoire. Leur apprentissage nécessite rigueur et persévérance, deux qualités qui sont au fondement des savoirs, lentement acquis et construits au fil du temps.
Mais plus encore que les langues vivantes, qui peuvent être perfectionnées lors de séjours linguistiques, face à la découverte des langues anciennes tout le monde est à égalité. Le choix de la progressive disparition de l’apprentissage du latin et du grec n’est que budgétaire et relève d’une politique à court terme.
Autre argument en faveur de l’apprentissage de ces langues : l’histoire. Le grec ancien et le latin sont présents dans plusieurs langues professionnelles, en médecine, en droit, en sciences dans la création des néologismes, ils font partie de notre patrimoine linguistique tout en prenant part au dynamisme langagier contemporain. Au-delà du mot, lorsqu’ils sont étudiés dans de courts textes, le latin et le grec servent à distinguer la version, qui vise à donner le sens juste des phrases, de la traduction, qui prend en compte le contexte culturel, l’expressivité, le mouvement du texte. Au-delà du texte, les histoires, épopées, tragédies, mythologies propres aux civilisations de l’Antiquité forment un magnifique réservoir de fictions : la colère d’Achille, sacrée parce que porteuse d’une vérité divine, sert de fondement aux 24 chants de l’Iliade, les mythes qui sont à l’origine des tragédies d’Eschyle, Sophocle et Euripide alimentent notre imaginaire et aussi « changent notre idée du religieux, de la vérité, de la croyance » en transposant les idées de salut et de justice présentes dans les textes sous une forme laïque.
Ainsi, lire les auteurs de l’Antiquité gréco-latine aujourd’hui au collège et au lycée relève d’une forme d’audace dans la conception que l’on se fait de la langue – non seulement « un pur instrument d’information et de communication », ce qu’elle est aussi, certes, mais encore une langue riche de ses multiples connotations et contextes, porteuse de sens, rendant les élèves et tout être humain capables de résister à l’endogamie, à la si confortable fermeture sur soi, pour s’ouvrir à d’autres mondes.
Sylvie Ferrando
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