L’Alcool des vents, Michel Baglin
L’Alcool des vents, Michel Baglin, 2016, 105 pages, 15 €
Ecrivain(s): Michel Baglin Edition: RhubarbeNous connaissions la rose des vents. L’alcool des tempêtes quand l’homme fait naufrage. Michel Baglin, lui, nous parle de L’Alcool des vents auquel il rend grâce, comme il « rend grâce » au fil du recueil aux escales des petits bonheurs qui nous tendent la main dans chaque signe de nos existences, même au cœur des forêts les plus sombres, si nous maintenons la porte ouverte, si nous nous ouvrons aux chants du Large, de la mer lointaine (« On ne peut donner rendez-vous au vent, / mais on peut laisser la fenêtre ouverte », rappelle le Proverbe cité sur le seuil de cet opus chargé d’espoirs).
« Je rends donc grâce à ces riens qu’on appelle
escales,
qui furent des haltes, des bivouacs, et resteront
fragments,
qui argumentent quand même en faveur d’un
feu latent,
d’une traînée de poudre, d’un fil aussi ténu que
corde sensible.
À cette ivresse qui persiste quand tout déchante
et dont je ne connais pas la cause,
qui vient de la mer sans doute, de très loin par
le sang, la rime, l’obscur vertige
et que je nomme l’alcool des vents, faute de
mieux ».
La photographie de Guy Bernot en première de couverture est éloquente et porte cet Alcool des vents : dans des tonalités sépia un sol semble se dérober en route vers l’horizon proche d’une lisière d’arbres guettés par la menace d’un ciel orageux d’où n’a pas déserté l’éclaircie future. Ainsi se décline, en 95 textes composés de quatre parties, respectivement intitulées : Des mots qui penchent, D’élans et de lenteurs, Air du temps, Détours par le cœur, cet Alcool des vents de tendre et fraternelle Humanité.
« Ne t’étonne pas que je rende grâce, moi l’athée.
Je ne m’adresse qu’au vent, comme l’enfant que
j’étais hier
et qui aurait voulu parler aux arbres, aux bêtes,
à leur place peut-être.
Par commodité on appelle ce qui dure un peu
plus que nous le monde.
Il est sourd, et si je le remercie non de m’avoir
rien donné mais de m’avoir reçu,
C’est sans doute que je parle pour toi,
le temps de t’offrir un verre et que tu sortes de toi-même ».
Sans aucun doute est-ce cela, la poésie de Michel Baglin, de nous sortir de nous-même lorsque nous-mêmes dessine « nos prisons intérieures » (pour reprendre les mots de la grande poétesse Colette Gibelin).
Je m’imagine Michel Baglin comme un Copain d’abord fraternisant dans les embruns et au zinc, en toute sobriété ivre et écoute solidaire des naufrages, pour entendre et écouter des copains qui à la recherche de leurs racines se déracinèrent ou se déracineront de trop d’amour et d’attente d’une humanité mise en écart par la bêtise humaine. (Ceci reste ma personnelle interprétation). Mais quand je lis Michel Baglin et son Alcool des vents entre autres, me remonte La Mémoire et la Mer de Léo Ferré des Copains d’abord de Georges Brassens – des Copains qui savent rendre grâce et, bons vivants, s’amusent, des Trompettes de la Renommée…
Murielle Compère-Demarcy
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