Jours tranquilles à Bangkok, Lawrence Osborne
Jours tranquilles à Bangkok, Hoëbeke février 2018, trad. anglais Béatrice Vierne, 284 pages, 21 €
Ecrivain(s): Lawrence OsborneUn autre monde
C’est l’appel du large, le rêve de l’ailleurs qui a souvent poussé les écrivains à entreprendre les voyages les plus lointains. « Je partirai ! Steamer balançant ta mature, / Lève l’ancre pour une exotique nature ! » écrivait en son temps Stéphane Mallarmé dans Brise marine.
Dans le cas de Lawrence Osborne, écrivain-voyageur, romancier ayant notamment obtenu le prix Lire du meilleur livre de voyage en 2016 pour Boire et déboires en terre d’abstinence(Hoëbeke, 2016), l’attrait pour Bangkok a d’abord été plus prosaïque : n’étant pas en mesure de régler sa cotisation d’assurance santé à New York, il a été contraint de trouver une terre où les soins dentaires seraient moins onéreux… Il le déclare lui-même, dès les premières pages, « la raison d’être de [s]a présence en Thaïlande était purement financière ».
Cependant, l’auteur tombe rapidement sous le charme d’une ville ahurissante où la vie devient très simple, même quand « on n’a pas le sou ». Ici, le corps « perd de sa fougue et de sa nervosité », les rapports physiques – sexuels, mais pas seulement – sont banalisés, les sens – l’odorat, le goût – sont stimulés par de nouvelles expériences culinaires, le rythme de vie est modifié et la nuit devient le moment privilégié de tous les éveils.
Le Bangkok que nous fait découvrir l’auteur est loin des images diffusées par les guides touristiques ou les documentaires de la Chaîne Voyage. Lawrence Osborne nous mène tout aussi bien dans les bars des hôtels occidentaux que dans les rues sombres des quartiers populaires tels que On Nut, « gigantesque no man’s land, où logent les domestiques et les chauffeurs qui s’activent dans les palais de Thong Lor » ou au fin fond d’un bidonville où se situent les abattoirs…
La ville est aussi un lieu de rencontres, notamment avec les occidentaux qui ont décidé de refaire ici leur vie parce qu’ils ont été chez eux « brisés, déçus, rejetés » et qu’ils ont compris que « l’isolement et la stérilité physiques de la vie occidentale, son ennui sur le plan physique étaient inimaginables » à Bangkok.
Evitant les clichés habituels et les jugements moraux, Jours tranquilles à Bangkokest en fait la découverte, par un écrivain de talent, d’un nouveau monde où le corps et l’esprit (bouddhiste) cohabitent comme nulle part ailleurs.
Arnaud Genon
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