Jours de Mai, Jean-Baptiste Harang
Jours de Mai, février 2018, 109 pages, 13,50 €
Ecrivain(s): Jean-Baptiste Harang Edition: Verdier
Jours de Mai n’est pas une histoire détaillée de Mai 68, ni une tentative d’élucidation des significations de ce mouvement, imprévu, multiforme. Non, c’est une série d’articles, un par jour, sur le mois de mai, écrits dans Libération cinquante ans après l’événement. Chaque article d’une journée est accompagné d’une mini-revue de presse de l’époque, et c’est pour le moins comique. Ainsi apprend-on que le 5 mai, Le Figaro s’émeut de l’inconduite de ces manifestants : « Etudiants, ces jeunes ? Ils relèvent de la correctionnelle plutôt que de l’Université ». Ce même jour, Georges Pompidou et Maurice Couve de Murville, ministre des Affaires étrangères, visitent la ville historique d’Ispahan, en Iran. Le 7 mai, Alain Geismar annonce « Nous sommes prêts à négocier avec le gouvernement », tandis que la presse annonce l’ouverture de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis en construction depuis quatre ans. On trouve d’autres détails, révélateurs, de la tension sociale de cette époque, déjà perceptible depuis un an ou deux. Les ouvriers de Sud-Aviation séquestrent leur patron, Monsieur Duvochel, qui sera libéré quelque temps plus tard.
Autre anecdote piquante : un jeune secrétaire d’Etat, un « jeune loup » de l’UDR (les Républicains de l’époque) négocie secrètement avec la CGT pour arrêter la grève qui concerne alors plusieurs millions de salariés. Ce jeune ministre s’appelle Jacques Chirac ; certains affirment à ce moment qu’il se serait rendu au lieu de rendez-vous muni d’un revolver. Tout l’ouvrage de Jean-Baptiste Harang est ainsi composé, surfant entre l’événement de chaque journée, manifestations, prises de paroles, débats improvisés de l’Odéon ou de la Sorbonne, prises de positions de leaders syndicaux, et un rappel des éléments du décor de l’époque, de l’ambiance de la France gaullienne engourdie dans un certain conservatisme. La France de l’ORTF, dont les titres du journal télévisé sont écrits au ministère de l’Intérieur… Il y a beaucoup d’ironie engendrée par le mode de rédaction des articles de Jean-Baptiste Harang : ainsi constate-t-il que la Conférence de Paris qui a lieu avenue Kléber ne sera pas trop perturbée par les événements. En ce temps-là, il y avait la guerre au Viêt-Nam, Aragon était chahuté par les étudiants de la Sorbonne. Le 13 mai, on scandait « Dix ans ça suffit ! De Gaulle au couvent ! ».
Jean-Baptiste Harang nous rappelle que cette période va célébrer ou commémorer, c’est selon l’importance donnée à ce moment dans notre histoire, son cinquantenaire. Il nous replonge dans l’esprit de l’utopie, il nous fait entrevoir à nouveau tous les changements qui ont, depuis, impacté la société française. Et oui, Jean-Baptiste, cela nous rajeunit pas mal…
Stéphane Bret
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