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Jours d’orage, Kressmann Taylor (par Stéphane Bret)

Ecrit par Stéphane Bret 01.04.22 dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Roman, Autrement

Jours d’orage, mars 2022, 284 pages, 10 €

Ecrivain(s): Kathrine Kressmann Taylor Edition: Autrement

Jours d’orage, Kressmann Taylor (par Stéphane Bret)

 

Est-il possible de surmonter le désir de vengeance, la volonté d’exercer des représailles jugées légitimes, surtout lorsqu’il s’agit de crimes de guerre ? Kressmann Taylor, dans le roman Jours d’orage tente d’apporter une réponse à cette question qui a occupé très longuement les débats politiques et historiques de l’après-guerre et dont l’ombre plane encore de nos jours dans nos controverses nationales.

Kressmann Taylor, on s’en souvient, avait admirablement illustré les changements de perception de deux interlocuteurs, l’un résidant dans l’Allemagne nazie, l’autre à l’étranger, dans la restitution de leurs correspondances épistolaires. Ces dernières illustraient la progression de la dictature nazie, son imprégnation dans l’opinion publique allemande, tel un cancer qui gagne un organisme en répandant ses métastases. Dans ce roman c’est le portrait d’un homme d’extraction noble, Eduardo Carleone, qui vit en Toscane au cœur d’un village isolé.

Nous sommes en 1960, quinze ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cet homme, très raffiné, pratique la sculpture, est très habité par les arts, l’esthétique, une exigence de vie. On apprend dans le récit qu’il a perdu son épouse, exécutée par les occupants nazis lors d’un massacre dans une bourgade. Une jeune veuve américaine, Amanda Lashe, fait escale dans le village où habite Eduardo, suite à un violent orage qui a rendu les routes d’accès impraticables. Des amis du village, Rocca al Sole, préviennent Eduardo de la présence d’un touriste allemand, Willi Grussmann, qui n’est autre que le tortionnaire qui a participé à ces crimes de 1944, et a tué entre autres l’épouse d’Eduardo.

Kressmann Taylor met alors en évidence les termes des débats moraux de l’après-guerre : la vengeance est-elle actuelle ? Est-elle pertinente quinze ans après ? Peut-on pardonner ?

Eduardo Carleone met en garde les habitants du village, animés par une volonté immédiate d’exercer des représailles sur ce criminel : « Seul un être pondéré peut rendre la justice. Souvenez-vous des mots de Dante : la nature divine voue chacun à un enfer plus adéquat que celui auquel nos efforts maladroits pourraient le conduire ». Au cours d’échanges ultérieurs, Eduardo persévère dans l’emploi d’un argumentaire identique : « Permettez-moi de vous rappeler que l’Italie a renoncé au vol et au meurtre. (…) Réfléchissez à ce que vous vous apprêtez à faire. Voulez-vous vraiment revenir aux jours du fascisme, au sang et à la haine ? ».

Jours d’orage est un beau roman, qui rend hommage à l’Italie, à la Toscane, à son patrimoine artistique, c’est aussi le portrait d’une idylle entre Amanda et Carleone, finement dévoilée, comportant également un dénouement inattendu. Les thématiques de la faute, du pardon, de la responsabilité y sont évoquées d’une manière équilibrée : l’auteur nous rappelle incidemment que ce questionnement nous habitera longtemps encore et qu’il n’est pas de réponse univoque à ces questions que nous nous posons, au fil de l’actualité.

 

Stéphane Bret

 

Kathrine Kressmann Taylor (1903-1997) publie son premier roman en 1938 sous le pseudonyme de Kressmann Taylor. Inconnu à cette adresse connaît un succès retentissant. Elle consacre sa vie à l’écriture et au journalisme, et à l’enseignement. Elle est également l’auteure de : Ainsi rêvent les femmes, Journal de l’année du désastre et Jour sans retour.

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A propos de l'écrivain

Kathrine Kressmann Taylor

 

Kathrine Kressmann Taylor est une écrivaine américaine d'origine allemande née à Portland en 1903 et morte en 19961. Elle est principalement connue pour sa nouvelle épistolaire Inconnu à cette adresse (Address Unknown, 1938). Celle-ci relate la correspondance entre un marchand d'art juif vivant à San Francisco et son ami avec qui il est associé, rentré en Allemagne en 1932 et qui adopte progressivement l'idéologie nazie.

 

A propos du rédacteur

Stéphane Bret

 

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63 ans, réside actuellement à Boulogne-Billancourt, et s’intéresse de longue date à beaucoup  de domaines de la vie culturelle, dont bien sûr la littérature.

Auteurs favoris : Virginia Woolf, Thomas Mann, Joseph Conrad, William Faulkner, Aragon, Drieu La Rochelle, et bien d’autres impossibles à mentionner intégralement.

Centres d’intérêt : Littérature, cinéma, théâtre, expositions (peintures, photographies), voyages.

Orientations : la réhabilitation du rôle du savoir comme vecteur d’émancipation, de la culture vraiment générale pour l’exercice du libre arbitre, la perpétuation de l’esprit critique comme source de liberté authentique."

 

REFERENCES EDITORIALES :

Quatre livres publiés :

POUR DES MILLIONS DE VOIX -EDITIONS MON PETIT EDITEUR 
LE VIADUC DE LA VIOLENCE -EDITIONS EDILIVRE A PARIS
AMERE MATURITE -EDITIONS DEDICACES 
L'EMBELLIE - EDITIONS EDILIVRE A PARIS