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Journaux de voyage, Bashô (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx 05.01.21 dans La Une Livres, Japon, Les Livres, Critiques, Poésie, Verdier

Journaux de voyage, trad. japonais, René Sieffert, 128 pages, 14,50 €

Ecrivain(s): Bashô Edition: Verdier

Journaux de voyage, Bashô (par Philippe Leuckx)

 

 

Peut-être bien le plus grand poète que la terre ait porté. Sans doute le pèlerin et le marcheur le plus assumé. Que n’a-t-il traversé comme terres nipponnes ! Ce poète était aussi un fort en méditation, un expert du haïkaï, un fulgurant amateur de relations humaines authentiques.

Ses journaux de voyage relatent avec force détails ses pérégrinations incessantes. D’un gîte où il reçoit le couvert à un monastère qui l’accueille, le poète Matsuo a tout supporté des voyages, la forte chaleur, les maux de pieds, le froid cassant, l’ennui des traversées. Mais de tout cela il en a extrait une matière unique, tissée d’observations insignes du monde perçu. La moindre fleur, la plus petite bête, le moindre ciel changeant, le glissement subtil des saisons : tout est objet d’écriture immédiate .

De ma robe d’été

jamais je n’en finirai

d’enlever les poux

Bénis ces lieux

où le vent parfume la neige

vallée du Sud

Vers les monts d’été

Ses sandales saluées

je reprends la route

 

Ce poète géographe sait avec une acuité brillante décrire le moindre lieu, la plus insaisissable atmosphère. Les récits consignés chaque fois se voient contrebalancés par de brefs poèmes qui en conservent le souvenir sinon la sensation. Ces proses ont l’allant d’un pèlerin qui ne baisse jamais les bras devant les aléas rencontrés. Et donc le livre qu’il porte garde des voyages ce goût âpre du vécu, de la difficulté renversée, de la beauté admirée après tant de périples. Peu de poètes ont laissé ainsi traces flagrantes de leurs nombreux passages. Bashô trouve là une manière singulière d’inscrire son cœur et son art au plein centre des paysages traversés.

Parfois d’un naturalisme étonnant, souvent lyrique, ce livre exprime véritablement l’âme d’un poète qui trouve son art au rythme de ses pas et de ses chevauchées, dans un grand mouvement d’appréhension du monde. Ainsi lira-t-on ces Journaux de voyage comme une phénoménologie elle-même singulière d’un témoin du XVIIe japonais. Il y a de l’anthropologue chez Matsuo, ce goût aigu de rendre compte des us et coutumes des pays traversés.

Durant de longues années, le poète au bananier (de là lui vient son pseudonyme) a vécu entre monts et vallées, en quête de sa voix et des autres.

Il a laissé plus de mille haikus, et nombre de proses.

Il est la preuve par la poésie que la matière d’une vie peut servir la plus haute littérature.

 

Philippe Leuckx

 

Bashô (Matsuo Munefusa), auteur japonais, le plus grand maître du haiku. Né en 1644, mort en 1694.

  • Vu : 1968

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A propos de l'écrivain

Bashô

Bashô est l’une des figures majeures de la poésie classique japonaise. Par la force de son œuvre, il a imposé dans sa forme l’art du haïku, mais il en a surtout défini la manière, l’esprit : légèreté (karuki), recherche de la simplicité et du détachement vont de pair avec une extrême attention à la nature. Le haïku naît donc au bord du vide, de cette intuition soudaine, qui illumine le poème, c’est l’instant révélé dans sa pureté.

La vie de ce fils de samourai, né près de Kyoto en 1644, fut exclusivement voué à la poésie. Âgé de treize ans, il apprend auprès d’un maître du haïkaï les premiers rudiments de ce genre. Plus tard, après avoir lui-même fondé une école et connu le succès à Edo (l’actuelle Tokyo), il renonce à la vie mondaine, prend l’habit de moine, et s’installe dans son premier ermitage. Devant sa retraite, il plante un bananier, un bashô, offert par l’un de ses disciples - ce qui lui vaudra son pseudonyme. Sa vie est dès lors faite de pauvreté, d’amitiés littéraires et de voyages. Osaka sera le dernier. Après avoir dicté un ultime haïkuà ses disciples éplorés, il cesse de s’alimenter, brûle de l’encens, dicte son testament, demande à ses élèves d’écrire des vers pour lui et de le laisser seul. Il meurt le 28 novembre 1694. Sur sa tombe, on plante un bashô.

 


A propos du rédacteur

Philippe Leuckx

 

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Philippe Leuckx est un écrivain et critique belge né à Havay (Hainaut) le 22 décembre 1955.

 

Rédacteur

Domaines de prédilection : littérature française, italienne, portugaise, japonaise

Genres : romans, poésie, essai

Editeurs : La Table Ronde, Gallimard, Actes sud, Albin Michel, Seuil, Cherche midi, ...