JJ Cale, Bertrand Bouard (par Guy Donikian)
JJ Cale, Bertrand Bouard, janvier 2022, 261 pages, 21 €
Edition: Le Mot et le Reste
Shades, Grasshopper, Five, Troubadour, des titres d’albums qui rappellent le parcours d’un musicien nord-américain dont la carrière internationale démarre quand un autre guitariste de blues, Eric Clapton, enregistre un des titres de Cale, After Midnight. On se souvient aussi de Cocaïne, enregistré par le « guitar hero », succès mondial, écrit également par JJ Cale.
S’il naît à Oklahoma City le 5 décembre 1938, c’est à Tulsa que John Weldon Cale grandit, où ses parents déménagent en 1943. C’est dans cette ville, qui prospère grâce à la manne pétrolière, que John Weldon Cale aura ses premiers émois musicaux, en écoutant Bob Wills, Jimmy Reed, Hank Williams, et le gospel aura aussi influencé Cale. C’est aussi à Tulsa qu’il joue au sein des Rockets, adolescent qui refuse déjà les feux de la rampe, mais qui s’aperçoit du travail immense qu’il doit accomplir pour jouer véritablement de la guitare. « Ce mélange d’influences noires et blanches – country, jazz, rhythm’n’blues… – sera l’une des caractéristiques des créateurs de ce qui sera désigné des années plus tard sous l’appellation de Tulsa sound et dont JJ Cale sera l’une des figures les plus en vue ».
Bertrand Bouard illustre son texte de quelques photos, et l’une d’elles montre un JJ Cale très jeune en parfait rocker, jean et chemise ouverte sur un t-shirt blanc, aux antipodes de l’image du musicien plutôt serein qu’il deviendra. C’est aussi à cette époque qu’il acquiert une guitare Gibson Les Paul, qu’il va laisser de côté en avril 1957 pour son service militaire, qui durera six mois, durant lesquels il va s’initier « aux rudiments des techniques d’enregistrement, de production, de diffusion, effectue des montages, visuels et sonores ». De retour à Tulsa, il montera, avec son père, un petit studio d’enregistrement à l’arrière de la maison familiale.
Il jouera au sein des Valentines, à Tulsa, puis se rapproche d’un pianiste de Tulsa, un certain Leon Russell et de quelques autres avant de s’expatrier pour Los Angeles, et après quelques aller-retour, c’est au Whisky à Go Go qu’il va effectivement exploiter son jeu de guitare singulier et un chant identifiable entre tous.
Le Johnny Cale Trio se produit les soirs quand un certain Johnny Rivers est de repos, dès le début de l’année 1965, dans cette salle qui accueillera des groupes légendaires comme les Doors, ou Otis Redding.
« Elmer Valentine (patron du Whisky à Go Go) est satisfait de sa nouvelle recrue, mais une chose le chiffonne : deux artistes prénommés Johnny sur la devanture, la chose risque de laisser les clients perplexes, ils pourraient bien les confondre ». Et Elmer Valentine de demander au musicien : « Dis-moi, ça te dérangerait si on changeait ton nom pour JJ Cale ? Johnny Cale ça ressemble trop à Johnny Rivers, sur le fronton à l’extérieur » ? Et Cale a répondu : « Mec, tu peux m’appeler comme tu veux du moment que tu me paies ».
Les rencontres vont se multiplier à Los Angeles, d’autant que la communauté des musiciens originaires de Tulsa ne cesse de s’agrandir dans la cité des anges. Entouré de musiciens confirmés, originaires de Tulsa ou pas, JJ Cale va écrire des chansons dont une va transformer sa carrière, After Midnight, et comme nous l’avons mentionné plus haut, qu’un certain Eric Clapton va entendre et qu’il va enregistrer, ce qui va procurer à JJ Cale des moyens financiers qui vont lui permettre de se consacrer à sa seule musique. Ce sera le début d’une collaboration qui va durer et en 2006 sortira un album qui les réunit.
Nous suivons avec Bertrand Bouard la trajectoire de ce musicien qui se payait le luxe de pouvoir se promener partout ou presque sans être reconnu, un anonymat que beaucoup lui enviaient. Ce trait de caractère, comme de nombreux autres, l’auteur les a rassemblés grâce aux témoignages de ses compagnons de route (amis, musiciens, famille) et l’ouvrage est également riche de précisions quant aux différents albums et concerts que JJ Cale nous a offerts. Cette trajectoire, l’auteur sait la rendre captivante tant pour la richesse de la documentation que par l’écriture qui n’est pas étrangère à la réussite du projet.
Guy Donikian
Bertrand Bouard écrit depuis une vingtaine d’années sur la musique pour Rock & Folk, et l’Express. Ses deux précédents ouvrages sont consacrés à Lynyrd Skynyrd et à The Band, et sont publiés aux éditions Le Mot et le Reste.
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