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Je m’enneige, Benoît Sourty (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia 03.06.19 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Asphalte éditions, Roman

Je m’enneige, janvier 2019, 158 pages, 16 €

Ecrivain(s): Benoît Sourty Edition: Asphalte éditions

Je m’enneige, Benoît Sourty (par Cathy Garcia)

 

Elle est plutôt sombre la neige, dans ce court roman où le sort de trois des protagonistes principaux semble scellé dès le départ. Deux frères jumeaux, âgés de 25 ans, une mère en clinique. Autrefois brillante et belle infirmière, maintenant malade en état végétatif, absente.

« Une femme, mains serrées l’une contre l’autre, ânonne presque à voix basse et sans arrêt : “Varsovie Varsovie“ ».

C’est une maladie génétique et ses deux fils en ont hérité, ils finiront très probablement comme elle. L’un d’eux est le narrateur. Il vit encore avec son père alors que l’autre est parti à 20 ans. Chacun gère à sa façon cette dégénérescence programmée dans leur corps. Celui qui parle préfère ne pas y penser, oublie d’aller chez le neurologue pour faire des examens, porte des dreadlocks, fume des joints, beaucoup de joints, travaille un peu et quand il ne file pas un coup de main à son copain Marc qui vit de petits trafics, il prend la vie comme elle vient : entre potes à la terrasse du Grand Café, à boire des bières, puis chez l’un ou chez l’autre, parfois il couche avec une copine, parfois il passe des nuits dans la forêt et il va voir sa mère à la clinique.

Il y a en lui comme un fond d’espoir auquel il s’accroche. Sa façon de vivre au jour le jour, de se laisser porter sans se prendre la tête, mode de vie d’une génération en fait, prend chez lui l’allure d’une forme de philosophie. Il semble s’en sortir mieux que son frère qui est plus autonome mais qui a renoncé à tout espoir, qui ne veut plus parler au père, le prof qui continue à vivre sa vie, ne va pas visiter la mère, mais le lien avec son jumeau reste puissant même s’ils ne se voient plus que rarement. Tous deux ont gardé un brin de folie de leur enfance, une manie de se lancer des défis où la prise de risque est le challenge et ce mot que leur mère répète « Varsovie Varsovie » va leur donner envie de faire quelque chose d’un peu fou pour elle.

Mais déjà le corps fait souffrir, ils le sentent dans leurs muscles.

« Ça fait atrocement mal. C’est une crise. Je sais qu’elle va partir au bout de quelques minutes. Tenir juste quelques minutes, le temps de porter mon frère incapable de se hisser d’une marche à l’autre tout seul ».

« Varsovie Varsovie ». Cette énigme contenue dans le seul et unique mot que prononce encore la mère, va initier une sorte de voyage dont la destination n’est pas celle que l’on croit.

Benoît Sourty nous donne à lire dans ce roman un portrait de famille écartelée, avec les souvenirs, les rêves, les colères, les non-dits, le fossé qui s’est creusé entre père et fils et comment chacun se dépatouille avec une réalité plombante. Quel sens peut avoir la vie quand on sait, avant même d’avoir commencé à vivre vraiment, qu’on est en train de se transformer, lentement mais sûrement, en légume ? Quel sens peut avoir la famille quand la mère bien que vivante, n’est elle-même qu’un souvenir ? Qu’est-ce que l’amour quand il ne peut rien changer ?

Pas de réponse : Je m’enneige est un constat dépouillé, direct, désabusé, tragique, qui prend à la gorge et laisse un drôle de goût en bouche. Amer oui, mais avec toutefois un tout petit quelque chose qui crépite, qui pétille.

« La vache ! C’est quand même un beau jour pour mourir ».

 

Cathy Garcia

 

  • Vu : 1819

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A propos de l'écrivain

Benoît Sourty

 

Benoît Sourty est scénariste et réalisateur. Il dirige la pédagogie d’une école de cinéma. Je m’enneige est son troisième roman.

 

A propos du rédacteur

Cathy Garcia

 

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Rédactrice

Domaines de prédilection : littérature française et étrangère (surtout latino-américaine & asiatique)

Genres : romans, poésie, romans noirs, nouvelles, jeunesse

Maisons d’édition les plus fréquentes : Métailié,  Actes Sud

 

Née en 1970 dans le Var.

Premier Prix de poésie à 18 ans. Premiers recueils publiés en 2001.

A Créé en 2003 la revue de poésie vive NOUVEAUX DÉLITS. http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com

Fin 2009, elle fonde l’association NOUVEAUX DÉLITS :

http://associationeditionsnouveauxdelits.hautetfort.com/

Plasticienne autodidacte, elle compose ce qu’elle appelle des gribouglyphes,  mélange de diverses techniques et de collages. Elle illustre plusieurs revues littéraires et des recueils d’autres auteurs. Travail présenté publiquement depuis fin 2008 et sur le net :

http://ledecompresseuratelierpictopoetiquedecathygarcia.hautetfort.com

Elle s’exprime aussi à travers la photo, pas en tant que photographe professionnelle, mais en tant que poète ayant troqué le crayon contre un appareil photo : http://imagesducausse.hautetfort.com/ Ce qui  a donné lieu à trois Livr’art visibles sur internet dans la collection Evazine :

http://evazine.com/livre_art.htm