J’étais à deux pas de la Ville Impériale (3/10)
La symphonie fantastique
Le photographe de Vanity-Fair, comme s’il avait bu, comme s’il avait bu.
Embrassons-nous.
Une nuit.
C’est toujours dans le même sens.
Passe.
Donne.
Redonne.
C’est prohibé.
Tu prends la flûte.
Ne bouge pas.
Va lentement jusqu’à la sortie et tu dis : je n’y suis pour personne.
Un citron ?
Non, sec.
Tu vois, une partie souterraine, cachée, maudite.
Oui.
Une partie de l’année, et puis l’autre ailleurs, oui, vraiment ailleurs.
Une partie de l’année ?
Embrassons-nous.
Tu veux dire ?
Là, l’alcool.
Non.
Non.
C’est mieux.
Elle était comme là ?
Oui.
Elle ne savait pas.
Il fallait que quelqu’un l’aide, il aurait fallu que quelqu’un l’aide.
Embrassons-nous.
Embrassons-nous.
Il dit : je souffre.
À cause ?
Oui, la nuit.
C’est une forme bizarre.
Une attaque nerveuse et tout ce qui s’en suit.
On aurait dit qu’il savait.
La nuit ?
Oui, la nuit.
Justement.
Moi, je réussis.
Mais tout est mortel figure-toi.
C’est comme le système fluvial du Gange à l’examen de Sciences-Po ; c’est quand même improbable.
Un homme normal.
Oui, une cicatrice assez visible sur l’arcade.
On peut lire ?
Faites.
Des livres clairs et pénétrants.
Tu vois, une série de petits objets sans rapport véritable entre eux mais photographiés macro sur des fonds rose brillant.
Une fois là, une fois là-bas.
Regarde, il dort.
C’est mieux.
Prends le reste de l’argent.
Fais tes adieux.
Tu veux lire ? Vous voulez lire ?
Prends.
Une fois.
Deux fois.
Une fois.
Deux fois.
Ça revient.
Il prend un produit très dur.
C’était une soirée affreuse.
Oui, affreuse.
Une soirée affreuse.
Une journée affreuse.
(en aparté)
Mon passé ? Je veux dire, cette chose idiote qui sert à se souvenir. Mon âme est devenue soudainement très silencieuse, et je me disais : tu as l’âme heureuse, tu as le parfum de l’âme. Mais, rien. Elle rit. Oui, elle riait. Je ne sais plus où, je ne sais pas. Elle, nous deux, peut-être Jean-Marie. Je ne suis pas sûr. Mais une chose arrivera. Un événement surprenant et qui prendra tout le monde de court. Une apothéose. Une extase lyrique. Regarde le travail du feu sur la cigarette. Le brûlot qui mange lentement le cône orangé. Je parlerai du dessin de la braise sur le bout de ma cigarette. La flamme. Gloire, gloire ! Mais, je suis ici par erreur. Je ne peux pas respirer, et le tabac n’arrange rien. Comme par erreur. Une grande liberté de mouvement. C’est mon frère qui disait toujours cela. Je mange un peu. Je rêve un peu. Et dès que la nuit est venue, hop, je brûle d’impatience, je vais boire des alcools blancs, et je parle très fort. Comme ça. C’est une sorte de discussion curieuse. Sur ce que je devrais améliorer en moi, depuis ce jour-là jusqu’à maintenant. Oui, une forme de conversation qui sonnait claire. Je disais : Eléonore, apporte la lampe et revient d’en bas, j’ai un peu peur en haut tout seul. Viens voir s’il ne manque rien. Mais il manque rien. Ce qui me porte au cœur, c’est la manière si prosaïque d’afficher une douleur, même une douleur personnelle. Elle, elle redevenait légère. Je lisais, je lui lisais Roland furieux,rien d’autre que cette lecture, le soir, par petits instants séparés, puis Le Tasse. Je me renseignais. C’était de la compagnie, de la bonne compagnie, boire, boire, rire. Un petit peu en arrière. Voilà, c’est là que ça se passe, pas ici, pas là. Elle écoutait. C’était bizarre. Elle disait qu’il y avait un glaive entre nous et qu’il fallait mieux. Moi, je fais des images. Par acquis de conscience. Faire appel à un autre. Par acquis de conscience. Dire cela. Ne pas faiblir. Être ce qu’il faut. Suffisamment disons. Je suis comme une pomme. J’ai un goût de pomme dans la bouche.
Didier Ayres
- Vu : 2207