J'ai fait comme elle a dit, Pascal Thiriet
J’ai fait comme elle a dit, Editions Jigal, février 2013, 232 pages, 17,50 €
Ecrivain(s): Pascal Thiriet Edition: Jigal
Entre Sahaa, jolie asiatique à la voix « de fesses » et Pierre, mi-Corse mi-méditerranéen, adepte du sandwich au Tuc, occasionnel videur musclé d’appartements pour le compte d’une agence immobilière très particulière, le mot amour prend un « s ». Anciens amants, pas vraiment séparés, mais jamais tout à fait ensemble, leurs chemins vont à nouveau se croiser quand la belle déjantée plaque son Tom-Tom de dealer, emportant avec elle, ce qui n’est ni très élégant, ni très intelligent, sa came au passage.
Début des emmerdes… Pour corser l’affaire, Sahaa est devenue par la grâce d’un vieil amant co-inventeur d’un procédé révolutionnaire destiné à rendre à l’essence son statut de vulgaire liquide noir nauséabond et sans intérêt, une bio-clé vivante, capable d’ouvrir le coffre suisse où sont planqués les documents scientifiques secrets. Cerise sur le gâteau, une grosse assurance-vie a été contractée sur sa tête. CQFD, beaucoup de personnes s’intéressent au physique de la belle, mais pas forcément avec les meilleures intentions du monde. Heureusement pour elle, Pierre est prêt à tout, dévoué corps et âme, de préférence lorsque son Glock est à portée de main.
Pierre raconte… Ecrit à la première personne, le récit de cette cavale balade le lecteur de Paris à Anvers, Francfort, Zurich et Venise, dans une Europe où se côtoient ultra-riches, marginaux, toxicos repentis, assureurs véreux, banquiers laxistes, savants cupides, mais aussi émigrés de toutes nationalités venus y trouver du travail ou fuir des représailles. Occasion rêvée pour Pascal Thiriet de brosser des portraits d’une faune urbaine, où la caricature est présente, mais également une vision de la société souvent mordante et, in fine, peu éloignée de la réalité. Les lieux, les ambiances de chaque ville sont décrits avec un soin et une précision qui contrastent avec le style cru et déjanté des dialogues.
Pierre ne comprend pas tout… L’avalanche de situations burlesques, de rebondissements parfois peu crédibles, de personnages totalement barjos traversant la narration le temps d’y perdre parfois, au sens littéral du terme, la tête, crée un tourbillon dans lequel le lecteur risque à son tour d’y perdre le sens de l’orientation et le fil de l’histoire. Qu’à cela ne tienne… Les blagues, les allusions humoristiques originales, la vitalité indomptable des deux héros, le style déjanté des dialogues et la dynamique du récit assurent au lecteur des moments de lecture jouissifs et l’envie de tourner la page, à l’affût d’une nouvelle trouvaille, d’un meurtre bien gore ou d’un irrésistible bon mot.
Pierre est manipulé par sa belle… Le chevalier servant-servile aime les femmes et cela tombe bien car les femmes ont une place à part, particulièrement développée dans ce roman noir. Nombreuses, de tous âges, de toutes nationalités, elles sont, à y regarder de plus près, les véritables héroïnes qui mènent la danse, tendent des pièges, renseignent ou font les frais des événements en se trouvant là où il ne faut pas, au mauvais moment. Tantôt dominatrices perverses, tantôt victimes innocentes, le plus souvent obsédées par le sexe, elles donnent une couleur particulière au roman, un intérêt sur lequel nul lecteur et surtout nulle lectrice ne peut rester insensible. Horreur ! Même la meilleure mère de famille peut devenir une tueuse sadique quand l’occasion se présente. Du coup, les personnages masculins semblent bien timorés, à la traîne de ces femmes qui ont banni de leur vocabulaire les mots scrupule et remords.
On prend un véritable plaisir à se glisser dans la folie des héros, on rit, on s’émeut, on sursaute et on ne lâche plus le livre, une fois ouvert. Une belle réussite pour ce premier roman de Pascal Thiriet, condamné à récidiver au plus vite.
Catherine Dutigny/Elsa
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