Inglorious Basterds, Glorious movie ! (par Léon-Marc Levy)
Je ne m’en lasse pas et, comme Tarantino, ma jubilation ne faiblit pas. Inglorious Basterds est sorti sur nos écrans en juillet 2009. Voici la note que j’écrivais pour Le Monde à la sortie du film. Depuis, cette bande s’est installée dans mon imaginaire comme une œuvre-culte à laquelle je rends régulièrement hommage. Alors encore une fois…
De toute évidence ce film a le ton d’une pochade estivale. Oui mais voilà, seulement le ton, nos mémoires de cinéphiles sont peuplées de « pochades estivales » devenues des films-culte. De Coups de Feu dans la Sierra ou Apportez-moi la tête d’Alfredo Garcia, de Sam Peckinpah, au Duel de Steven Spielberg, en passant par le Gloria de John Cassavetes, que serait le cinéma sans les « rigolades » de juillet/août cachant des joyaux devenus légendaires ?
La « pochade » de Tarantino est évidemment destinée à s’inscrire d’emblée dans ces perles d’été. Tout y est déjà culte.
A commencer par la musique. Dès la première seconde, citation : Alamo de John Wayne, Green Leaves of summer. Sur un gros plan de visage barbu, façon Sergio Leone, et un arrière-plan flottant d’une voiture allemande qui avance lentement sur un chemin vicinal. Le décor est planté : vous allez avoir du baroque, du « spaghetti », de bout en bout. Et on est servi, jusqu’à la délirante scène finale, digne de Dario Argento, maître du fantastique rococo italien. Toute la bande-son est déjà culte : La musique d’Ennio Morricone (Dopo la Condanna), le somptueux Cat People de David Bowie.
Les acteurs magnifiques. Brad Pitt, figé dans un tic Marlon Brandesque-Godfather, d’une élégance sobre tout au long du film bien que jouant un parfait déjanté. Christoph Waltz, carrément génial dans un rôle de SS sadique et à la séduction vénéneuse. Mélanie Laurent, fluide et hautaine, même dans ses terreurs. Et tous les autres, parmi lesquels on ne peut oublier Til Schweiger en allemand anti-nazi (Stiglitz) complètement fou, Daniel Brühl, en héros nazi presque malgré lui, Jean-Jacques Ido en projectionniste noir amoureux de Shoshana.
L’histoire racontée est récurrente dans l’Histoire même du cinéma américain : le cinéma refait l’Histoire et venge les gentils que l’histoire a laissé inconsolés. Spielberg nous l’avait fait dans Indiana Jones, déjà avec les nazis (Iahvé déchaîne sa colère contre eux comme il l’avait fait contre les armées de Pharaon lancées aux trousses de Moïse et de son peuple), Don Taylor dans Nimitz, retour vers l’enfer, avec Pearl Harbour. Quentin Tarantino le fait ici, déchiquetant et brûlant joyeusement Adolf Hitler dans une Apocalypse déchaînée par une Juive persécutée et un Noir. Or, la métaphore est jubilatoire, le feu final qui extermine le Gotha nazi est nourri par des films, des bandes de celluloïd hyper inflammables, qui transforment la salle de cinéma de quartier où a lieu une projection à la gloire des héros nazis en chambre d’extermination à l’envers pour les chefs nazis. Le cinéma, oui, au sens propre, refait l’Histoire. Le cinéma nous venge.
Ouverture vertigineuse vers un des paradigmes fondateurs de la fascination qu’il exerce sur les foules depuis plus d’un siècle : le cinéma, c’est mieux que la vie puisqu’il permet des jubilations que la vie ne peut offrir. Brûler Hitler et sa bande d’assassins, enfin !
Clarté de la narration, clins d’œil malicieux aux cinéphiles, allusions à la BD, beauté plastique permanente de la photographie, Inglorious Basterds est un régal de chaque instant, à la Gloire du cinéma.
Glorious movie !
Léon-Marc Levy
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