Hôtel International, Rachel Vanier
Hôtel International, 2015, 256 pages, 11,99 €
Ecrivain(s): Rachel Vanier Edition: éditions intervalles
Hôtel International évoque sur fond d’un drame personnel le petit monde des expatriés, avec un regard vif et sans concession, une plume acerbe et le genre d’humour noir qui permet de survivre au désespoir.
« La vraie vie, c’est ce décalage aberrant entre le drame d’une situation et la banalité du quotidien qui continue son chemin, impassible, autour de nous. Le contrôleur contrôle, le mendiant mendie, le Parisien parisie. Alors qu’on souhaiterait flotter au-dessus du monde qui s’anime, et que la réalité nous ramène brutalement sur la terre ferme, l’atterrissage donne le vertige ».
L’héroïne d’Hôtel International s’enfuit subitement au Cambodge suite au suicide de son père, sans même un visa et sans prévenir ses proches et ses amis, elle débarque là-bas sans connaître grand-chose de ce pays sinon un peu de sa tragique histoire et cherche avant tout à mettre un mur entre elle et tout ce qu’elle a laissé derrière. Sa façon de faire le deuil ou peut-être d’en refuser la réalité.
« Parler, c’est la dernière chose au monde dont j’avais envie. Je ne souhaitais que m’enterrer bien profondément dans un abri anti-atomique, anti-monde extérieur, anti-gens, anti-tout ».
C’est ainsi qu’après avoir débarqué au Cambodge de façon assez surréaliste et avoir logé dans une chambre sans fenêtre d’un hôtel très minable, le fameux Hôtel International, elle se lie avec quelques congénères qui l’accueillent dans le petit cercle des expatriés, des barangs – les blancs – au Cambodge. Installée dans un appartement en colocation, sa vie alors consiste à s’oublier en profitant des avantages de ce milieu de privilégiés et de boire au moins un soir sur quatre et de façon très déraisonnable mojitos sur mojitos dans les endroits fréquentés uniquement ou presque par des étrangers. Entre ceux qui bossent pour des ONG, le Cambodge étant un des pays où en compterait le plus au mètre carré, et ceux qui profitent uniquement des privilèges et de la vie facile qu’offre le statut d’expatrié dans une sorte d’entre-soi dépravé de luxe, elle tente d’oublier la raison de sa fuite dans ce pays.
L’auteur connaît bien le Cambodge et ça se lit. Ayant eu l’occasion moi-même d’aller à Phnom Penh, même si bien des années plus tôt, peut-être cela a-t-il aidé à ce que j’en apprécie la justesse, même si le portrait du pays n’est pas vraiment flatteur.
C’est Arthur, un dandy de la mode, le premier Français qu’elle rencontre là-bas parce que ami d’amis de Facebook, qui va l’introduire dans le cercle des expats :
« Pour les Cambodgiens, nous les blancs, on est des demi-dieux. Tu croyais que c’était fini depuis la décolonisation ? Détrompe-toi. Les bons vieux réflexes n’ont pas disparu. C’est pour ça qu’ils se blanchissent la peau avec des crèmes qui leur brûlent l’épiderme. Ils préfèrent avoir des taches sur la gueule plutôt que d’être bronzés. Si ça n’est pas une preuve ! Quant à l’argent, dans 99% des cas, si tu veux quelque chose tu peux l’acheter. Alors les vieux dégueus viennent surtout pour se payer des femmes mais nous, les gens normaux, on peut s’accorder une vie de plaisirs. Des hôtels de luxe, un service impeccable, de bons restaurants. Avec un salaire normal pour un expatrié, tu peux vivre une vie de pacha, c’est ce sur quoi l’économie du pays repose ».
Bien qu’il y soit aussi évoqué et de façon sérieuse la question des Khmers rouges et la situation économique du pays, c’est un portrait tiré à grands traits à travers le prisme du milieu des expats et de sa superficialité, milieu dont le portrait est encore moins flatteur, d’autant plus que tout est perçu à travers le regard plutôt désespéré de la narratrice, qui ne s’épargne pas non plus. Et c’est ce qui rend ce roman drôle, même et peut-être surtout quand c’est pathétique.
Rachel Vannier a un vrai talent, elle écrit admirablement bien de façon simple et directe et réussit à rendre intéressante presque la moindre banalité. La fluidité de l’écriture fait qu’on boit son roman comme un mojito, suivi d’un mojito, suivi d’un… etc. L’avantage, c’est que le lecteur, lui, n’a pas la gueule de bois le lendemain. Cela se lit aussi comme un roman d’aventures modernes et désabusées où on crapahute donc plus dans les bars que dans la jungle.
Cathy Garcia
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