Hommage à la revue Caravanes (Phébus, 1989-2003)
Edition: Phébus
Caravanes fut, de 1989 à 2003, une « revue annuelle de littérature » dirigée par André Velter et Jean-Pierre Sicre. Elle se définissait ainsi : « Une fois l’an, Caravanes donne rendez-vous à ses lecteurs pour un tour du monde de textes écrits par quelques “marcheurs de l’esprit”. Des écrivains de tous les continents, uniquement d’essence vagabonde, célèbres ou non, contemporains ou antiques, composent une mosaïque de récits, nouvelles, poèmes, à chaque fois inédits ».
Une fois l’an, c’est beaucoup dire, puisqu’il y eut 8 numéros en tout. Et lorsque l’on veut mieux comprendre quelle fut la substance de Caravanes, c’est vers ces lignes qu’il faut se tourner : « Rien de plus vaste que le mystère du monde. Rien de plus violent que le goût de l’inconnu. Un cœur vivant est un cœur en partance. Caravanes se veut un lieu d’universelle rencontre qui accueille les récits, les blasphèmes et les chants. Il est la stèle de ceux qui passent avec le sable, avec le vent ».
Outre des landays du désert et de l’errance, outre la poésie orale des Peuls du Massina, outre une brève anthologie de prosateurs Ming, on trouve dans les numéros de cette somptueuse revue des œuvres (et cette liste, qui n’est pas exhaustive, et que l’on a établie pour La Cause littéraire, donne le vertige), des œuvres de :
Abdelmajid Benjelloun
Abdourahman A.Waberi
Abdulah Sidran
Abdulrazak Gurnah
Abou-Moutahhar Al-Azdî
Abû l-Alâ al-Ma’arrî
Adonis
Alain Borer
Alain Jouffroy
Alvaro Mutis
André Dhôtel
André Velter
Antonio Saura
Antonio Segui
Antonio Tabucchi
Attila József
Augusto dos Anjos
Azadeh Pourmir
Bai Juyi
Barry Lopez
Bernard Malamud
Bernard Noël
Bharati Mukherjee
Boris Pahor
Caetano Veloso
Camillo Sbarbaro
Catherine Jacobsen
Cédric Morgan
Chico Buarque de Hollanda
Claude Chasson
Claude Herviant
Claude Michel Cluny
Claude Roy
Constantin Cavafy
Cristina Campo
Dazai Osamu
Djavâd Pourmir
Dumitru Tsepeneag
Edgar Allan Poe
Edvard Kocbek
Elsa Cross
Enrique Serna
Ernest Pignon-Ernest
Erwin Schenkelbach
Eugénio de Andrade
Fan Chengda
Fereydoun Faryad
Ferit Edgü
Forough Farrokhzad
Francisco Coloane
Franck André Jamme
François Cheng
Frederic Prokosch
Fucha Dunchong
Füruzan
Gabriel Levin
Georges Bru
Georges Sénéchal
Gérard Macé
Gérard Rondeau
Gerardo Can Pat
Gil Jouanard
Gilles Lapouge
Gilvan Lemos
Giuseppe Conte
Guilhem Fabre
György Somlyó
Haruki Murakami
Hassan Massoudy
Hawad
Henri Gaudin
Henri Michaux
Henry Miller
Ibrahim Al-Koni
Inés Arredondo
Isaac-Leibush Peretz
Ismaïl Kadaré
Israël Eliraz
Itzhak Katzenelson
Ivo Barroso
Jacques Dars
Jacques Laccarière
Jacques Poulain
Jamyang Losal
Jean Gillibert
Jean Malaquais
Jean Malaurie
Jean Mambrino
Jean Morisset
Jean Paul Guibbert
Jean Rustin
Jean Soublin
Jean-Baptiste Para
Jean-Baptiste Tati-Loutard
Jean-Claude Renard
Jean-Marie Le Sidaner
Jean-Marie Poumeyrol
Jean-Pierre Burgart
Jibananda Das
Joaquim Maria Machado de Assis
José Bergamín
José Lezama Lima
Juan Gregorio Regino
Juan Rulfo
Juan Villoro
Julio Maruri
Karel Schoeman
Kingado Nanzan
Krzysztof Kamil Baczynski
Li Ho Houei-tsong
Lokenath Bhattacharya
Lorand Gaspar
Louis-François Delisse
Ludovic Janvier
Luis Mizon
Makoto Ooka
Marc Riboud
Marcel Béalu
Marcel Moreau
Marianne Clouzot
Marina Tsvetaeva
Mario Blanco
Mario Pontes
Martine Roffinella
Mathieu Belezi
Mathieu Terence
Maximine
Melih Cevdet Anday
Michel Butor
Michel Desbastides
Michel Le Bris
Michel Tanouarn
Miguel Hernandez
Mikhaïl Veller
Miklós Szentkuthy
Yasushi Inoué
Momin Latif
Monique Enckell
Nanos Valaoritis
Nasser Assar
Nazli Eray
Neil Bissoondath
Nicolas Bouvier
Nikolaï Kantchev
Niyi Osundare
Noël Tuot
Norman Levine
Octavio Paz
Omar Khayyam
Palden Gyal
Pascal Quignard
Patrick Reumaux
Paul Rebeyrolle
Peng Wan-ts
Pepetela
Peretz Markish
Pierre Lafargue
Pu Songling
Rabindranath Tagore
Radivoj Stanivuk
Rainer Maria Rilke
René R. Khawam
Roland et Sabrina Michaud
Romesh Gunesekera
Sadegh Hedayat
Sa’dî
Salah Stétié
Salim Bin Abakari
Sayd Bahodine Majrouh
Sepulveda
Serge Filippini
Serge Sautreau
Severo Sarduy
Sohrâb Sepehri
Sou T’ong-po
Stéfano d’Arrigo
Su Zhe
Sylvie Germain
T .E. Lawrence
Thomas Coraghessan Boyle
Udayan Vajpeyi
Valérie-Catherine Richez
Victor de la Cruz
Victor Giudice
Vincente Aleixandre
Vladimir Velickovic
Wallace Stegner
Wilhelm Raabe
William Blake
William Trevor
Xavier Bazot
Xavier Villaurrutia
Yachar Kemal
Yehouda Amichaï
Yi Munyol
Yuan Hongdao
Yuan Mei
Yves Bonnefoy
Zao Wou-ki
Zoran Music
Si l’on devait retenir un texte parmi tous ceux qu’ont publiés André Velter et Jean-Pierre Sicre, ce serait un poème de Jean-Baptiste Para, présent dans le septième numéro de la revue. « L’œuvre poétique de Para fait davantage que faire palpiter le silence dans son creuset, […] qu’en faire palpiter la nécessité. Elle le porte. Non pas comme l’on porte quelque chose les bras repliés, ou à bout de bras. Elle le porte pour se confondre avec lui […] », écrivions-nous dans un hommage que nous lui avions consacré ici.
Il faut laisser les mots de ce poète rare tomber en notre corps, jusqu’à se confondre avec l’aller du sang, jusqu’à devenir part de notre moelle ; il faut laisser ses vers devenir le battement sourd de notre cœur ; et alors comprend-on que ce qu’il nous a été donné de lire, ces vers, n’est en réalité qu’une partie immémoriale de nous-mêmes, que nous ne connaissions pas encore, que nous ne pouvions qu’entrapercevoir, tant nous sommes occupés à noircir le silence par de vaines et criantes occupations, à distraire la flèche de notre rêverie de son cours tortueux, pour ramener le rythme de son vol, non plus à l’allégresse d’une réinvention permanente mais au terne staccato des préoccupations quotidiennes, celles-là qui imparfaitement nous meuvent, alors que cette flèche a été lancée, à notre origine, pour (sans même que nous le sachions, ignorant que nous sommes de nous-mêmes) atteindre – paradoxalement dans le flou de son mouvement – le cœur même du sensible.
Voici ce poème :
DEMAIN
Je longerai des eaux rapides
et ma vie s’en ira dans cette rumeur, comme à travers l’ombre
un gibier perdu, un faisan de Colchide
qui laisse dans sa fuite une plume
et le silence où je commence à être.
Je dormirai sur la terre humide
et si le monde à mon réveil ressemble au fouet brandi,
à l’orage qui crève, pour ses nervures de lumière
ouvrirai-je une main crispée sur le signe parfait
de mon imperfection ? Où s’achève le ciel,
offrirai-je aussi cette paume vide,
elle qui sans haine voulut effacer mon nom
comme on chasse d’un œil le sable ou la poussière ?
Matthieu Gosztola
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