Hommage à Baudelaire IV - Des histoires dans la famille Baudelaire, par Charles Duttine
On peut s’aventurer dans le 14ème arrondissement et s’égarer dans la rue Froidevaux, cette rue qui longe le cimetière Montparnasse et dont le nom seul fait froid dans le dos. On peut alors, d’une porte dérobée, s’engager dans les allées du cimetière, au milieu de tous les caveaux. Une flânerie dans la sixième division deuxième rangée nous mènera immanquablement sur la tombe de Baudelaire où chacun pourra déposer un petit hommage, petit billet écrit ou simple caillou.
Que découvrira-t-on ? Une modeste tombe où est enterré Aupick, mort en 1857, le beau-père du poète. Tous les titres de ce personnage sont généreusement inscrits dans la pierre « général, sénateur, ambassadeur, grand officier de la légion d’honneur ». A croire qu’il est l’unique figure importante enterrée là. Seules quelques lignes indiquent la présence de Charles Baudelaire. Aucune indication qu’il fut poète, simplement est-il présenté comme le beau-fils du général. Puis plusieurs lignes gravées pour sa mère. Quand on sait les relations difficiles entre Charles Baudelaire et son beau-père, on se sent quelque peu malheureux. Et on se dit qu’ils sont là, l’un tout contre l’autre, pour l’éternité. On aurait aimé une proximité différente pour notre poète et qu’il ait d’autre compagnonnage. Immanquablement reviennent en mémoire ces vers :
Les morts, les pauvres morts, ont de grandes douleurs ;
Et quand Octobre souffle, émondeur des vieux arbres,
Son vent mélancolique à l’entour de leurs marbres,
Certes, ils doivent trouver les vivants bien ingrats
De dormir, comme ils font chaudement dans leurs draps,
Tandis que, dévorés de noires songeries,
Sans compagnons de lit, sans bonnes causeries,
Vieux squelettes gelés travaillés par le ver,
Ils sentent s’égoutter les neiges de l’hiver
Et le siècle couler, sans qu’amis ni famille
Remplacent les lambeaux qui pendent à leur grille […]*
Ces quelques vers bien connus sont extraits de « La servante au grand cœur… » ; Une autre histoire de famille où Charles Baudelaire dit son affection pour Mariette cette servante dévouée dont, enfant, il fut si proche et dont Madame Baudelaire était profondément jalouse.
Pour se consoler le quidam qui aura fait cette petite visite peut toujours poursuivre vers le cénotaphe de Baudelaire qui a été érigé, à l’autre bout du cimetière et qui n’inspire pas particulièrement au recueillement. Ce visiteur peut aussi se dire que derrière les hauts murs, à quelques mètres de la tombe de Baudelaire s’anime la rue de la Gaité. Elle aussi si bien nommée avec ses bars et ses théâtres, elle qui aurait certainement plu à notre poète tellement attaché à cette ville et amoureux du soir.
Paris continue donc, malgré tout … et la solitude de Baudelaire également.
Charles Duttine
* : Charles Baudelaire, la servante au grand cœur, extrait (Les Fleurs du Mal)
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