Grand-Chien, Mickaël El Fathi (par Yasmina Mahdi)
Grand-Chien, Mickaël El Fathi, éditions Cipango, octobre 2021, 40 pages, 16 €
Nous ne voulons pas d’hommes blancs ici. Les Black Hills nous appartiennent. Si l’homme blanc veut les prendre, je me battrai.
Sitting Bull
Consécration du cheval en terre indienne
Mickaël El Fathi, après avoir beaucoup voyagé et exercé divers métiers, illustre et écrit pour la jeunesse. Il est ainsi l’auteur de plus d’une dizaine de livres. Et c’est sous les auspices de la nation première amérindienne de l’ethnie Lakota, longtemps appelée Sioux, que l’auteur jeunesse nous conte le destin de Grand-Chien. Grand-Chien est la qualification du cheval, « Tashunka, ou Shunka Wakan, le Chien Sacré », comme nous l’indique Maurice Rebeix, dans sa postface. La théogonie animiste stipule que l’ensemble des espèces vivantes et la nature sont profondément reliés, et ce, depuis l’aube des temps. L’acception de ne figurer qu’en relation et contiguïté dans l’univers est la loi adoptée par les tribus des Indiens des Plaines d’Amérique.
Pour ce très bel ouvrage de format carré de 24,5 cm, Mickaël El Fathi, qui a composé entièrement le livre, utilise l’anaphore, ce qui confère à son texte une magie poétique. Le récit de l’album jeunesse est sans doute la métaphore des péripéties et des revers cruels des autochtones d’Amérique (dont l’ethnocide). Grand-Chien, cheval mustang, a été conduit par voie d’eau, après une traversée longue et pénible. Arrivé sur une terre inconnue, il a survécu et, lui et ses semblables, se sont reproduits, se multipliant dans les Grandes Plaines du continent du Nouveau Monde. Par un hasard heureux, une très jeune fille lakota rencontre Grand-Chien, le beau cheval bai. C’est donc une petite fille qui approche l’animal de prédilection des Lakotas (avec le bison) et qui va établir entre elle et lui un lien unique, fraternel et sacré. Elle devient ainsi l’intermédiaire privilégiée entre son peuple, sa famille et le grand mammifère herbivore ongulé à sabot unique.
Mickaël El Fathi a doté le mustang Grand-Chien tantôt d’une robe rouge sang, vermillon, tantôt tachée de bleu céleste, et orné sa tête d’une crinière bleu indigo. L’artiste emploie des couleurs vives, des camaïeux de jaune, de l’orange et des pourpres, qui étincellent dans le blanc du fond. La disposition graphique du texte est libre, la typographie, bleu-vert, les tableaux positionnés à l’horizontale ou verticalement. L’esthétique plastique est renforcée par les nuances expressives du pastel sec, ce qui procure une grande mobilité des masses. M. El Fathi combine avec le pastel l’outil informatique.
Dès 6 ans.
Yasmina Mahdi
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