Goat Mountain, David Vann
Goat Mountain, octobre 2017, trad. américain Laura Derajinski, 224 pages, 8,40 €
Ecrivain(s): David Vann Edition: Gallmeister
Près de quarante ans après les faits, David Vann, né en 1966, relate dans ce roman des faits terrifiants. L’adolescent de onze ans, narrateur, raconte son entrée dans le monde des chasseurs, automne 1978, en Californie.
David Vann nous plonge dans une littérature de filiation et d’initiation : comment un grand-père et un père très sévères « éduquent » ce jeune de 11 ans et l’initient à la chasse et aux armes dans des montagnes désolées… Les enfants des années 50/60 ont eu des pères autoritaires mais à ce point, c’est à se flinguer ! Bien sûr, ils n’étaient pas Américains (et l’on sait ce que les armes…) ni Indiens cherokee… Le livre est dédié à « mon grand-père cherokee Roy Ivory Vann, 1904-1991, qui chassait chaque année dans Goat Mountain, et à tous ses ancêtres, dont les chefs David Vann, James Vann et Joseph Vann » (p.7).
Du pick-up qui conduit les chasseurs (le grand-père, le père et Tom, l’ami du père, et le fils), de la nature qu’on traverse, des beautés de cette région montagneuse, le lecteur saura presque tout, tant les descriptions excellent à en donner une vision hyperréaliste et sensible. La progression dans les fourrés, le long des escarpements, les incidents prennent ici force dramatique. Il s’en passe des choses dehors et dedans : ce jeune décide-t-il tout seul de son avenir ? Pourquoi va-t-il enclencher l’irréparable ? Qui le pousse ainsi à agir ? Le roman tient en haleine car l’on sent que ce qui s’y déroule est essentiel. Vann a l’art de brosser des personnages, de ne pas en faire des marionnettes mais des figures vivantes, rétives, brutales, de chair et d’os. On mange à la dure. On couche à la dure. On chasse à la dure. Est-ce que l’on s’aime ?
Les amateurs de littérature sauvage, London, le Kerouac de « Big Sur », seront servis par ce livre-manière de western de trappeurs !
La nature est magnifiée ; les humains sont de pauvres créatures violentes, près de tuer, agressives et dingues…
Au fond, c’est un livre à vous dégoûter à jamais de la chasse, et pourtant il faut réguler, et pourtant j’aime trop le gibier !
Un livre inoubliable, prenant, désespéré, à l’aune de ceux de Cormac McCarthy, La route et Suttree.
C’est terrible de devenir un homme avec certains pères !
Philippe Leuckx
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