Femmes, butin de guerre islamique, entre hommes et Dieu !, par Amin Zaoui
Il n’y a pas de compromis dans la création littéraire. Il n’y a que la liberté comme reine. La littérature est une aventure perpétuelle, mais dans le sens de l’Histoire. Mais pourquoi est-ce que la littérature arabe et maghrébine fuit le sujet de la religion et du religieux d’aujourd’hui ! Elle ne le questionne pas, ou pas assez, dans sa pauvreté philosophique, dans sa carence historique. L’Histoire, avec un grand H, c’est aussi et peut-être essentiellement ces petites histoires d’amour et de mort noyées dans le sang déversé au nom de la religion, déversé dans les halls des palais califales ou sur les tapis des mosquées faites de marbre blanc artisanal. Je parle de l’Histoire islamique, cela a été vécu dans les autres religions, et de la même manière, avec la même férocité. Le parcours de l’Histoire universelle est composé de futilités qui une fois réunies se métamorphosent en une force dévastatrice bousculant tout ce qui se trouve sur son chemin.
La littérature, la bonne littérature, ne fait pas dans le compromis ni dans l’arrangement. Elle est dévastatrice, ravageuse. Tsunami qui annonce le beau jour jumeau du beau texte !
Oser la littérature, oser dans la littérature, c’est apprendre au lecteur le sens de la critique et la leçon de la liberté. Pourquoi les premiers musulmans, dans l’Histoire de l’islam nouvelle religion, ont assassiné leurs premiers califes, et pourtant ils sont nommés, dans nos manuels scolaires et nos leçons d’histoire : les « Khoulafaa arrachidine », « Les califes guidés » ? Bien qu’ils fussent les compagnons du Prophète (QLSSSL), leurs rivaux ne leur ont pas pardonné. Ne les ont pas épargnés.
La littérature romanesque doit questionner ce confus, doit interpréter ce paradoxe, pour les jeunes lecteurs d’aujourd’hui. Afin de combattre « la naïveté religieuse », il est demandé de briser le pouvoir du silence qui longtemps a pris l’Histoire en otage. La religion musulmane dès les quatre premières décennies de sa venue s’est trouvée partagée entre deux désirs : le pouvoir politique et la fascination des butins de guerre (les femmes et l’argent). En 644, le calife Othman ibn Affan succède à Omar ibn al-Khattab assassiné 7 novembre 644. Aristocrate, Othman règne pendant douze ans. Il a épousé deux des filles du Prophète Mohamed (QLSSSL), Rukayya et Um Kulthum. C’est lui qui a officialisé le texte coranique, en 647.
Tout cela ne l’a pas épargné. En présence de sa femme Naïla, assiégé chez lui, dans sa demeure, pendant 40 jours par un groupe de rebelles, le calife guidé Othman ibn Affan, comme son prédécesseur le calife Omar Ibn al-Khattab, a été assassiné à Médine le 17 juin 656. Naïla, sa femme, fut chrétienne, belle et fidèle, rapportent les biographes. Quand Othman Ibn Affan a été surpris par ses assassins, sabre à la main, Naïla la bien-aimée a hurlé. Elle les a affrontés, comme pour leur faire barrage. Elle a essayé, bec et ongles, de défendre son homme. Une frappe venant de l’un des assassins visant Othman lui a coupé les doigts de sa main, racontent les biographes. Naïla n’a pas cédé, poussée par son amour, debout entre les bourreaux et son mari le calife, un deuxième coup de sabre lui a coupé les doigts de l’autre main. Ecartée du chemin dans le sang et la douleur, les assassins ont tué Othman. Ils lui ont décapité la tête. Naïla a pris la tête du calife dans son giron en pleurant son destin. Une fin tragique. Une violence inégalée. Abominable sauvagerie humaine.
Le lendemain de cette épreuve tragique, parce qu’elle était réputée par sa beauté, un nombre de personnalités de la société Médine se sont précipitées pour demander la main de Naïla en mariage.
Moawiya ibn Abi Soufiane, lui aussi, n’a pas tardé à demander Naïla en mariage. Voyant les hommes qui se bousculent pour demander sa main, Naïla s’est demandé : pourquoi suscitai-je une telle appétence chez les hommes ? La réponse : tout simplement parce qu’elle était belle. Elle avait une belle bouche avec une magnifique denture. On raconte que c’est à cause de sa belle denture que les gens couraient après elle, la désiraient.
Fou d’elle, Mouawiya Ibn Abi Soufiane voulait à tout prix la prendre pour épouse. Mais, elle, fidèle à Othman, et afin de fermer toute issue, elle a demandé la présence d’un arracheur de dents. Elle lui a demandé de lui extraire ses belles dents. Elle a mis ses belles dents arrachées dans un colis et les a envoyées à Mouawiya Ibn Abi Soufiane. Mais pourquoi racontai-je cette histoire entre sang, religion, amour et butin de guerre islamique ? Bonne lecture réfléchie !
Amin Zaoui
(Souffles, In "Liberté" Alger)
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