Félix Fénéon, critique, collectionneur, anarchiste (par Jean-Paul Gavard-Perret)
Félix Fénéon, critique, collectionneur, anarchiste, Isabelle Cahn, Philippe Peltier, Laurence Des Cars, Cécile Debray, La Procure, 2019, 317 pages, 39,90 €
Fénéon le Yankee
Ami de Mallarmé, Signac, Matisse, Fénéon évolue d’abord dans le milieu symbolique en tant qu’auteur et critique. Voulant avant tout mettre en avant les autres, il inventa le terme « nouveau-impressionnisme » et une nouvelle critique d’art à l’extraordinaire langue cucurbitante, échineuse, débarbouillante entre autres pour évoquer Degas. Le tout dans un maniérisme revendiqué comme tel. La critique ne se veut que descriptive. Néanmoins Félix Fénéon fait parler le tableau en le réinventant dans son érotique poétique.
Toujours disponible aux arts nouveaux, il découvre les arts lointains (africain et de l’Océanie). Il est un des premiers à les défendre et les collectionner dès le début du XXe. Il fut sans doute préparé à ce regard neuf initié par la peinture japonaise. L’art de l’Extrême-Orient ouvre à celui d’Afrique pour une traversée des formes fondamentales.
Fénéon a créé au cours de sa vie une extraordinaire collection où en quarante ans il ne rate personne en art mais aussi en littérature : de Rimbaud à James Joyce, de Toulouse-Lautrec à Max Ernst. Il aura découvert aussi Seurat et Signac qui l’a peint de profil en magicien offrant une fleur à une femme.
Tout l’art moderne est donc défendu par Fénéon, anarchiste, doux et ouvert au nouveau et à l’espoir d’un monde meilleur. Il découvre aussi par la science – que Seurat reprend dans ses recherches picturales qui deviennent un laboratoire pour reconstruire les choses – un moyen de trouver de nouvelles voies. C’est pourquoi aussi Fénéon se rapprochera de Matisse, bref de ceux qui traquent des invariants – de l’art premier au surréalisme.
Jean-Paul Gavard-Perret
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