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Evangelia, David Toscana

Ecrit par Grégoire Meschia 18.04.18 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Amérique Latine, Roman, Zulma

Evangelia, janvier 2018, trad. espagnol (Mexique) Inés Introcaso, 432 pages, 22,50 €

Ecrivain(s): David Toscana Edition: Zulma

Evangelia, David Toscana

 

Voici un livre qui se lit comme une longue blague fourmillant de fantaisie et d’inventivité. Et si Jésus avait été une femme… L’écrivain refait l’histoire en modifiant le sexe du divin enfant, ce qui change la face du monde, vous en conviendrez. L’Annonciation se révèle un fiasco. Les plans du Dieu tout-puissant sont déjoués. David Toscana propose une histoire alternative à coup d’épanorthoses et de réévaluations.

La Bible et la religion en général sont misogynes, cela n’est pas nouveau. Mais ce roman apporte un vent de fraîcheur dans la genèse du patriarcat. Emmanuelle remplace le Christ et devient la Christe, les détracteurs de l’écriture inclusive n’ont qu’à bien se tenir. On y trouve de nombreuses allusions aux thématiques féministes, l’éducation différenciée entre Emmanuelle et son frère cadet Jacob (il sera renommé Jésus), la violence conjugale subie par les épouses. La jeune Emmanuelle a même l’intention de faire boire le sang de ses menstrues pour faire comprendre à ses futurs disciples que « son sang et celui de toutes les femmes était sacré ». Malheureusement, les miracles qu’elle réalise ne servent à rien parce que c’est une femme qui les accomplit.

La drôlerie l’emporte presque sur le double plaidoyer contre la religion et la société patriarcale. On comprend en lisant Evangelia que seul un monde sans Dieu serait un monde favorable aux femmes. L’écrivain diablotin procède à une réécriture irrévérencieuse du texte sacré. Il rend triviales les actions du Messie et des apôtres, à la limite du blasphème. Il relève les incongruités qu’on trouve dans la Bible. Il rend ridicule le Tout-puissant, obligé d’envoyer son Fils céleste en Amérique pour convertir la population mais ce dernier y subit le sort d’un humain comme les autres. Ses échecs successifs sont plus amusants les uns que les autres. L’ange Gabriel devient un ivrogne : il a perdu ses ailes de messager et passe ses journées dans une taverne où il fait le récit burlesque des histoires de l’Evangile. L’inventivité de l’auteur se retrouve jusque dans les épithètes quasi homériques qu’il attribue à ses personnages. Marie est celle qui en reçoit le plus grand nombre : elle devient notamment « Marie cause de notre joie ». Mais, dans le roman de David Toscana, elle perd sa virginité : « La sainte mère de Dieu sainte vierge des vierges mère de l’Eglise mère de la divine grâce mère très pure mère très chaste se laissa tripoter par ces mains rugueuses, embrasser par ces lèvres sèches, porter jusqu’au lit par ces bras vigoureux ». Elle succombe alors au désir que lui porte Joseph devenu lépreux. Un dernier coup porté au puritanisme et à l’extrémisme religieux.

 

Grégoire Meschia

 


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A propos de l'écrivain

David Toscana

 

Né en 1961 à Monterrey, David Toscana est l’un des romanciers mexicains les plus talentueux de sa génération.
Depuis le fameux El último lector, il nous offre des romans d’une inventivité magnifique, doublée d’une réflexion virtuose sur les enjeux de la fiction. Ses œuvres sont traduites dans une dizaine de langues.

 

A propos du rédacteur

Grégoire Meschia

 

Grégoire Meschia est un Jeune professeur de français dans le 93 qui prend encore le temps de lire et d'écrire.