Et les Beatles montèrent au ciel, Valentine Del Moral (par Guy Donikian)
Et les Beatles montèrent au ciel, juin 2019, 151 pages, 15 €
Ecrivain(s): Valentine Del Moral Edition: Le Mot et le Reste
Le sous-titre de l’ouvrage est explicite : Le concert du rooftop. Et la photo de couverture le confirme, il s’agit de la dernière apparition des Beatles en concert, sauf que cette der des ders aura eu une singularité, à savoir l’absence du public…
Nous sommes le 30 janvier 1969. Vers midi, par un temps maussade et venteux, les Fab Four vont effectivement donner leur dernier concert, mais ils ne le savent pas. Cela fait deux ans qu’ils ne se sont pas produits en public et ce 30 janvier sera un événement qui marquera l’histoire de la « pop music ».
Valentine Del Moral a construit son livre autour de ce « concert » devenu mythique. Elle égrène tout au long de son texte des allers-retours qui donnent à ce 30 janvier toute sa valeur. Ce sont les trajectoires des rares spectateurs présents sur le toit de l’immeuble situé au 3 Savile Row, immeuble qui appartient aux Beatles. Et c’est un certain Michael Lindsay-Hogg qui dirige les cameras chargées de filmer ce concert qui durera quarante deux minutes.
L’auteure nous apprend que l’idée de ce concert pour le moins incongru est née quand les Beatles, en plein tournage de leur film Get Back qui s’intitulera finalement Let It Be, se rendront compte de la nécessité d’une chute. Le film essentiellement composé de répétitions filmées n’avait en effet pas de chute et c’est naturellement qu’un concert filmé s’est imposé comme tel. Encore fallait-il que ce concert soit exceptionnel, et comme du côté des musiciens on ne pouvait changer quoi que ce soit, c’est du côté des spectateurs que l’innovation devait se faire. Et pourquoi pas un concert sans spectateurs, ce qui ne pouvait que satisfaire George Harrison qui éprouvait une véritable phobie des foules après les quatre années ininterrompues de concerts devant des foules hystériques. Différents lieux furent évoqués mais c’est le toit-terrasse de leur immeuble qui fut retenu.
« Emelyn et ses petits camarades sont les premiers de la longue liste des inconnus qui vont se trouver ce 30 janvier 1969 au bon endroit ». Les amplis seront poussés à fond ou presque, et de la rue, tout en bas, le son évidemment sera perçu. Tout d’abord interrogatifs, les passants, employés qui vont déjeuner ou simples badauds, vont très rapidement prendre conscience que quelque chose d’incroyable a lieu, on reconnaîtra les Beatles et la rumeur se propage, et certains n’hésiteront pas à grimper sur les toits adjacents ou faisant face pour apercevoir l’une ou l’autre des silhouettes. Peut-être certains reconnaîtront-ils Yoko, mais ce sont assurément les garçons que l’on veut voir et entendre.
Quelques journalistes vont rappliquer, attirés par un possible scoop, et certains, apprend-on, auront l’idée d’alerter les autorités pour créer de toutes pièces un événement qui n’aura pas lieu. Les bobbies monteront sur la terrasse, on baissera les amplis, mais pas d’esclandre, pas de scoop, les Fab Four ont rempli leur contrat, les images sont dans la boîte.
Valentine Del Moral a su faire de ces quarante-deux minutes de concert un moment exceptionnel en narrant par le menu le concert lui-même et le croisement des rares individus présents sur le rooftop. Pour ceux qui ont vécu ces années, comme pour ceux qui a posteriori apprécient ce qui à l’époque était une révolution, cet opus est nécessaire.
Guy Donikian
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