Eros Capital, Les lois du marché amoureux, François de Smet (par Guy Donikian)
Eros Capital, Les lois du marché amoureux, janvier 2019, 320 pages, 21 €
Ecrivain(s): François de Smet Edition: Flammarion
On se souvient tous des propos d’une vulgarité sans nom d’un certain Donald Trump dans une vidéo où il déclarait éhontément : « Grab’m by the Pussy ». C’était en 2005, les propos d’un futur président… Cette citation fait partie de celles qu’utilise François de Smet dans cet Eros Capital, dont l’objet n’est rien moins que de démonter les thèses romantiques des unions amoureuses quelles qu’elles soient et de démontrer des équivalences a priori surprenantes : le mariage romantique et la relation sexuelle rétribuée ont un dénominateur commun qui n’est autre qu’un échange économico-sexuel.
Chez l’épouse bourgeoise l’échange est implicite alors qu’il est clair chez la putain avec un billet de 50 euros. Quand Trump fait cette déclaration, il choque évidemment nos éthiques en même temps qu’il nous remémore des réalités étouffées par une morale qui n’aura fait qu’entériner des nécessités sociales et économiques.
L’auteur fonde sa démonstration sur des constats scientifiques dont le premier et non le moindre est celui qui fait de chaque mâle le porteur de cellules qu’il veut disperser vers le plus de chemins possibles et de chaque femelle celle qui choisit le meilleur partenaire. D’où des stratégies sexuelles qui confirment cette volonté de reproduction pour chaque être. Chez l’humain différentes étapes vont progressivement modifier la teneur de ces stratégies. C’est vrai quand apparaissent les religions polythéistes qui vont créer le concept d’amour pour « habiller l’inclination hormonale et biologique qui pousse les humains les uns vers les autres ». C’est vrai encore avec l’apparition des religions monothéistes qui « renforcent les schémas sociaux et culturels nécessaires à l’entretien de la domination masculine. Et le mariage se développe comme institution économique visant à unir des patrimoines, les émotions et préférences des hommes et des femmes sont secondaires dans les constitutions des unions. L’amour comme passion se vit en dehors du mariage. Le Moyen-âge invente l’amour courtois ».
Le dix-neuvième siècle va enfermer l’amour dans le mariage, avec la capacité à choisir son ou sa partenaire, le mariage devient synonyme d’amour et le puritanisme va condamner tout échange sexuel en dehors du mariage.
Enfin le libéralisme économique propose à chacun une possible satisfaction de ses besoins, schéma que l’on calque désormais aux relations intimes et amoureuses.
La logique du marché impose donc que l’on considère l’amour comme un idéal désintéressé, ce qui par contraste renforce la force du libéralisme.
Ce texte ne laisse rien au hasard quand il démontre avec une argumentation fournie l’évolution de la relation économico-sexuelle. On aboutit ainsi avec François de Smet à la question du devenir de cette relation. On eût pu imaginer une perspective plutôt sombre au vu du cheminement de la relation. Sauf que l’auteur a une vision contraire de ce devenir, vision qui rejoint celle d’auteurs comme Houellebecq.
Guy Donikian
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