Enfin… Salman Rushdie bat Khomeiny ! (par Amin Zaoui)
Il y a trente ans, un peu plus, Khomeiny a émis une fatwa contre Salman Rushdie. Tôt ou tard, l’Histoire rattrapera les ennemis de la liberté qu’importe leur appellation. Les dictateurs. Les despotes. Les tyrans. En qamis islamique ou dans d’autres tenues civiles ou militaires. Aujourd’hui, de plus en plus, le régime théocratique des mollahs iraniens est encerclé de l’intérieur comme de l’extérieur. Asphyxié. De l’autre côté, Salman Rushdie, le romancier britannique d’origine indienne, multiplie ses publications. Ses romans sont chaleureusement accueillis par son lectorat à travers le monde.
Amertume chez les nouveaux mollahs, enfants légitimes de Khomeiny, et plaisir et jubilation chez les lecteurs de Salman Rushdie. C’était un 14 février 1989, l’ayatollah Khomeiny, sur les ondes de la radio de Téhéran, a émis sa fatwa contre Les Versets Sataniques, réclamant la tête de l’écrivain Salman Rushdie contre une somme de plus de trois millions de dollars. La fatwa est tombée dans une période où le régime des mollahs, à sa tête Khomeiny, vivait son âge d’or, La révolution islamique !
Avec l’image grandiose de ladite révolution islamique iranienne, minutieusement brodée par les médias occidentaux, notamment français, cette fatwa a drainé des millions de fous d’Allah, en quête de la tête de l’écrivain, dans les pays musulmans et dans les communautés musulmanes à travers le monde.
Les médias occidentaux ont largement participé à la propagation et la prolifération du phénomène de l’hystérie religieuse islamique et islamiste. L’écrivain Salman Rushdie vivait l’enfer au quotidien. Des manifestations, des attaques contre les maisons d’édition, des incendies dans des établissements culturels, assassinat des traducteurs du roman Les versets sataniques. Cette fatwa qui a frappé Salman Rushdie a frappé aussi la littérature.
Elle a imposé une lecture théocratique des textes littéraires fictionnels. Et vite, on a vu naître « la littérature islamique » et la création des cercles d’« écrivains islamiques » ! L’effet de la fatwa est ressenti à l’université, où de plus en plus de thèses sont soutenues autour de cette pseudo-littérature islamique, dans les départements de langue et littérature arabes. Ainsi, la littérature s’est trouvée entre “le hallal” et “le haram”.
Et cette fatwa a renforcé la censure et a encouragé la police de la littérature. Aujourd’hui, trente ans après la promulgation de la fatwa contre Salman Rushdie, la situation a changé. Celui qui a été frappé par la fatwa est en train de reprendre sa voix, sa liberté, ses lecteurs et sa plume, et celui qui a émis cette même fatwa, son régime plutôt, se trouve dos au mur. D’un côté, celui qui était suivi, chahuté et diabolisé par les foules des fous d’Allah, retrouve sa vie normale ou presque.
Et celui qui était derrière la manipulation religieuse des foules des fous d’Allah, les mollahs et leurs pions, se trouve encerclé, scandé et lynché par les fils et les petits-fils de ces fous d’Allah d’hier. Les fils ont découvert le mensonge !
Les régimes européens qui ont honoré Khomeiny, faisant de lui un nouveau prophète, ont implanté le grain de l’islamisme sauvage dans leurs maisons. La France qui a choisi de recevoir Khomeiny, de le protéger et de le renvoyer, plus tard, en “prophète” à Téhéran, à bord d’un vol spécial d’Air France, goûte du fruit de cette alliance satanique !
J’imagine Descartes, Voltaire, Rousseau, Montesquieu, Levinas, Sartre, Derrida, Althusser et… trahis, se retourner dans leurs tombes. Salman Rushdie, par ses écris narratifs, peut-être même sans se rendre compte, représente en quelque sorte le thermomètre indiquant le plafond de la liberté dans le monde musulman contemporain.
C'est la fatwa contre Salman Rushdie qui est la source du concept d’“islamophobie”, à travers lequel le régime des mollahs, à sa tête Khomeiny, cherchait à faire croire aux citoyens européens que toute critique de l'islam politique est une “islamophobie”, et tous ceux qui défendent Salman Rushdie sont des islamophobes. Par la suite, les Frères musulmans ont saisi l'idée de l’“islamophobie” lancée par le régime iranien, et l'ont utilisée pour leur propre compte politique pour repousser toute critique touchant leur projet d’islamisation de la société européenne.
Aujourd'hui, trente ans après, Salman Rushdie, romancier, et intellectuel-militant des droits de l’homme, qui reprend sa vie normale ou presque, est de retour vers son lectorat, multipliant ses conférences et rencontres à travers le monde.
Trente ans après la promulgation de la fatwa, Salman Rushdie continue à nous offrir et à nous émerveiller par ses beaux romans : Le Dernier Soupir du Maure (1995), La Terre sous ses pieds (1999), Furie (2001), Shalimar le Clown (2005), L’Enchanteresse de Florence (2008), Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits (2015), La Maison Golden (2017) et Quichotte 2019. Aujourd’hui, trente après, la fatwa prononcée contre Salman Rushdie frappe son émetteur.
Les foules se retournent contre le régime des Mollahs. Mais, quand est-ce que Salman Rushdie prendra un vol d’Air France à destination de Téhéran, afin de rencontrer ses lecteurs ? Ce jour n’est pas loin !
Amin Zaoui
In "Souffles". Liberté (Alger)
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