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En son temps, Jean-Louis Rambour

Ecrit par MCDEM (Murielle Compère-Demarcy) 06.07.18 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Arts, Poésie

En son temps, Editions L’Aventure Carto, mai 2018, photographies Yvon Kervinio, 31 pages, 19,50 €

Ecrivain(s): Jean-Louis Rambour

En son temps, Jean-Louis Rambour

 

L’« Avertissement » nous renseigne sur la démarche : c’est le photographe ici (en l’occurrence Yvon Kervinio) qui a sollicité l’écrivain-poète (en l’occurrence Jean-Louis Rambour) pour écrire sur des paysages et des gens immortalisés à une époque, en un lieu, dans des clichés photographiques. Le résultat est ce superbe livre des éditions L’aventure carto (éditeur morbihannais de cartes, photopostales et livres) avec, en regard des prises de vue, des textes tenus à hauteur de l’humanité « des gens » qu’il célèbre. Jean-Louis Rambour le poète n’a eu connaissance, avant d’en écrire une histoire, ni du lieu ni de la date ni des circonstances des « images en reportage » focalisées par le breton Yvon Kervinio. Son imaginaire demeurait donc intact, libre de prendre le large vers le ciel de son choix.

Nous voyons, par les « yeux » du poète, des vies uniques fixées sur la photographie reprendre une vie singulière. Des gestes de situations communes, de la vie courante surgissent – un homme portant le landau d’un enfant pour descendre quelques marches, des joueurs de boules « mesur(ant) les distances en usant de (leur) ombre », un ancien enfournant le pain, un accordéoniste égayant guinguette une fête locale…

Si les objets photographiés constituent toujours des marqueurs d’une époque reconnaissable à sa mode vestimentaire, ses voitures, ses modes de consommation, ses coutumes (surtout en pays de Petite Bretagne hautement ancrée dans son Histoire), ses métiers, … chaque texte en regard de J.L. Rambour ajoute à notre imaginaire, déjà amorcé par l’image, ici complété par la vision du poète. Aurait-on vu sans le regard de ce dernier ces lignes de force, de fuite, effectivement à l’œuvre dans la largeur grâce à elles dynamisée de la photographie représentant la Fête à Kergohanne, en 1982 ? Y aurait-on vu, dans le « corps contre le tôlé, du groupe » photographié, comme « une descente de croix à la Rubens, ou l’enlèvement des filles du roi Leucippe par Castor et Pollux ? ». Cette vision s’élargit au-delà de l’interprétation personnelle du spectateur pour fixer et faire vibrer dans son image fixe même, par les mots, ce que l’objectif hypersensible et connecté (au monde qui bouge, qui vit) du poète renvoie via le projecteur de l’Imaginaire tourné vers le vivant, le vécu, l’expérience quotidienne, l’aventure toujours à portée de création, élancée, grandie par elle.

« On dirait… », nous conte le poète, et l’on regarde à nouveau la photographie, et l’on revient aux mots : oui, « on dirait »… Ainsi face à la photographie du Jeu de boules à Penquesten dans le Morbihan…

 

« On dirait des corps soigneusement dispersés,

sur un champ de bataille en Argonne,

des cadavres d’étoiles, des systèmes solaires

qui ont perdu la tête. (…) »

 

Dans tous les cas ce qu’il ne faut pas perdre de vue est qu’il n’est que Jean-Louis Rambour l’humble poète sensible à ce(ux) qui l’entoure(nt) pour VOIR ainsi, et nous donner à (re-)voir dans cette image des systèmes solaires ; dans celle de la miche de pain symbolique de la vie, les signes sacrés du « baptême, avant le piétinement de la vie », du partage, de la terre nourricière authentique ; dans celle montrant le boulanger les bras chargés de pain, la figure de Celui qui « sait mieux/ que tous indiquer la Croix du Sud ou l’étoile polaire » tout en disant un sourire dans la voix : « Les boulangers ont toujours deux avant-bras »… Même, pour avoir choisi ces 30 clichés parmi les prises de Kervinio, non par hasard, ainsi celui représentant le pêcheur poussant « le bateau à brouette »

 

« Le bateau à brouette, le cheval à échine d’homme,

Icare à ailes de cire, le Christ à dos d’âne,

le ciel à cheval sur la mer, le jour à cheval

sur la nuit, le Petit Prince à queue de comète

(…) »

 

Ce n’est pas du Prévert, ni du Supervielle, c’est du Rambour sortant de son paletot une pêche miraculeuse de mots, « le monde entier » en rêve-souvenir « à bord de nos crânes ». Jean-Louis Rambour écrit sur des gens uniques, intemporels au final et universels, des textes qui nous enchantent et nous transportent au-delà du temps tout en concentrant dans l’objectif, la perspective et le panorama des mots, un monde où les lignes vibrent d’une émotion vécue, ressentie, poétique. Au-delà des frontières du temps et de l’espace…

 

Murielle Compère-Demarcy

 

https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Louis_Rambour

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A propos de l'écrivain

Jean-Louis Rambour

 

Jean-Louis Rambour né en 1952, à Amiens, vit toujours en en Picardie.

Bibliographie :

Mur, La Grisière, 1971

Récits, Saint-Germain-des-Prés, 1976

Petite biographie d’Édouard G., CAP 80, 1982

Le poème dû à Van Eyck, L’Arbre, 1984

Sébastien, Cahiers du Confluent, 1985

Le poème en temps réel, CAP 80, 1986

Composition avec fond bleu, Encres Vives, 1987

Françoise, blottie, Interventions à Haute Voix, 1990

Lapidaire, CAP 80, 1992

Le bois de l’assassin, Polder, 1994

Le guetteur de silence, Rétro-Viseur, 1995

Théo, Corps Puce, 1996 / La Vague verte, 2005

L’ensemblier de mes prisons, L’Arbre à paroles, 1996

Le jeune homme salamandre, L’Arbre, 1999

Scènes de la grande parade, Le Dé bleu, 2001

Pour la fête de la dédicace, Le Coudrier, 2002

La nuit revenante, la nuit, Les Vanneaux, 2005

L’hécatombe des ormes, Jacques Brémond, 2006

Ce monde qui était deux, Les Vanneaux, 2007

Le seizième Arcane, Corps Puce, 2008 (préface de Pierre Garnier)

Partage des eaux, Ateliers des éditions R. & L. Dutrou, 2009 (dessins de René Botti)

Cinq matins sous les arbres, Vivement dimanche, 2009

Clore le monde, L’Arbre à paroles, 2009 (frontispice de Benjamin Rondia)

Anges nus, Le Cadran ligné, 2010

mOi in the Sky, Presses de Semur, 2011

La Dérive des continents, Musée Boucher-de-Perthes d’Abbeville, 2011 (huiles de Silère et préface de Pierre Garnier)

Démentis, Les Révélés, 2011 (livre d’artiste réalisé avec le peintre Maria Desmée)

La Vie crue, Corps Puce, 2012 (encres de Pierre Tréfois et préface de Ivar Ch’Vavar)

Au Commencement était la bicyclette, Université de Picardie Jules-Verne, 2014 (25 textes pour le catalogue d’une exposition du peintre Silère)

Jean-Louis Rambour a également publié des recueils de nouvelles et des romans : Les douze Parfums de Julia (sous le nom de Frédéric Manon), La Vague verte, 2000 (Prix du livre de Picardie Club de lecteurs 2001) ; Dans la Chemise d’Aragon, La Vague verte, 2002 (Prix du livre de Picardie 2003) ; Carrefour de l’Europe, La Vague verte, 2004 ; Et avec ceci, Abel Bécanes, 2007

 

A propos du rédacteur

MCDEM (Murielle Compère-Demarcy)


Lire toutes les publications de Murielle Compère-Demarcy dans la Cause Littéraire


Murielle Compère-Demarcy (pseudo MCDem.) après des études à Paris-IV Sorbonne en Philosophie et Lettres et au lycée Fénelon (Paris, 5e) en École préparatoire Littéraire, vit aujourd'hui à proximité de Chantilly et de Senlis dans l’Oise où elle se consacre à l'écriture.

Elle dirige la collection "Présences d'écriture" des éditions Douro.

 

Bibliographie

Poésie

  • Atout-cœur, éditions Flammes vives, 2009
  • Eau-vive des falaises éditions Encres vives, collection "Encres blanches", 2014
  • Je marche..., poème marché/compté à lire à voix haute, dédié à Jacques Darras, éditions Encres vives, collection "Encres blanches", 2014
  • Coupure d'électricité, éditions du Port d'Attache, 2015
  • La Falaise effritée du Dire, éditions du Petit Véhicule, Cahier d'art et de littérature Chiendents, no 78, 2015
  • Trash fragilité, éditions Le Citron gare, 2015
  • Un cri dans le ciel, éditions La Porte, 2015
  • Je tu mon AlterÈgoïste, préface d'Alain Marc, 2016
  • Signaux d'existence suivi de La Petite Fille et la Pluie, éditions du Petit Véhicule, 2016
  • Le Poème en marche, suivi de Le Poème en résistance, éditions du Port d'Attache, 2016
  • Dans la course, hors circuit, éd. du Tarmac, 2017
  • Poème-Passeport pour l'Exil, co-écrit avec le photographe-poète Khaled Youssef, éd. Corps Puce, coll. « Parole en liberté », 2017
  • Réédition Dans la course, hors circuit, éd. Tarmac, 2018
  • ... dans la danse de Hurle-Lyre & de Hurlevent..., éd. Encres Vives, collection "Encres blanches" , n°718, 2018
  • L'Oiseau invisible du Temps, éd. Henry, coll. « La Main aux poètes », 2018
  • Alchimiste du soleil pulvérisé, Z4 Éditions, 2019
  • Fenêtre ouverte sur la poésie de Luc Vidal, éditions du Petit Véhicule, coll. « L'Or du Temps », 2019
  • Dans les landes de Hurle-Lyre, Z4 Éditions, 2019
  • L'écorce rouge suivi de Prière pour Notre-Dame de Paris & Hurlement, préface de Jacques Darras, Z4 Editions, coll. « Les 4 saisons », 2020
  • Voyage Grand-Tournesol, avec Khaled Youssef et la participation de Basia Miller, Z4 Éditions, Préface de Chiara de Luca, 2020
  • Werner Lambersy, Editions les Vanneaux ; 2020
  • Confinés dans le noir, Éditions du Port d'Attache, illustr. de couverture Jacques Cauda; 2021
  • Le soleil n'est pas terminé, Editions Douro, 2021 avec photographies de Laurent Boisselier. Préface de Jean-Louis Rambour. Notes sur la poésie de MCDem. de Jean-Yves Guigot. Illustr. de couverture Laurent Boisselier.
  • l'ange du mascaret, Editions Henry, Coll. Les Ecrits du Nord ; 2022. Prélude et Avant-Propos Laurent Boisselier.
  • La deuxième bouche, avec le psychanalyste-écrivain Philippe Bouret, Sinope Editions ; 2022. Préface de Sylvestre Clancier (Président de l'Académie Mallarmé).
  • L'appel de la louve, Editions du Cygne, Collection Le chant du cygne ; 2023.
  • Louve, y es-tu ? , Editions Douro, Coll. Poésies au Présent ; 2023.