Elsa Schiaparelli, Ève-Marie Lobriaut (par François Baillon)
Elsa Schiaparelli, Ève-Marie Lobriaut, Éd. Les Petites Moustaches, juin 2022, Ill. Madame Dessine, 132 pages, 18,50 €
La collection « Les Petites Histoires de la mode », initiée par les Éditions Les Petites Moustaches, revient sur l’enfance d’un grand créateur ou d’une grande créatrice de mode. Si chaque ouvrage s’appuie évidemment sur une documentation assez large, l’écrivain sollicité utilise assez librement son imagination pour dépeindre, à travers des scènes clé, le caractère, la colère, la tristesse, ayant prévalu au personnage qui deviendra beaucoup plus tard un incontournable du milieu de la mode.
Ainsi en est-il du livre consacré à Elsa Schiaparelli, dont l’exubérance n’a pas manqué d’attirer l’œil de grands artistes. L’auteure Ève-Marie Lobriaut a choisi de se fixer en grande partie sur le printemps 1900, alors qu’Elsa Schiaparelli a dix ans et qu’elle vit à Rome, au Palais Corsini. La petite fille est un véritable feu follet qui multiplie les bêtises, regorge d’idées farfelues qu’elle met à exécution, s’entête à dominer les garçons et y parvient, élabore des mensonges sans vergogne où, à force de réinventer sa vie, elle finit par croire elle-même à ses histoires… Mais l’enfant souffre, notamment du fait de sa laideur dont elle est persuadée. Sa grande sœur Beatrice semble être son exact opposé, en attitude comme en attraits physiques.
L’auteure fait germer de cette période enfantine des moments resserrés, porteurs de la personnalité à venir et du destin futur de l’artiste de mode : ces moments s’arrêtent parfois sur une forme de contemplation rêveuse et chatoyante, intrigante même, comme sur cette rangée de bégonias vus comme des « papillons écarlates. Une féerie végétale ! » (p.15), ou comme sur la fontaine de la piazza delle Terme, où s’expose avec indécence et mystère une nymphe. Et bien vite, la poésie de l’instant évolue en une nouvelle frasque dont la cocasserie, révélatrice d’un grand tempérament, ne laisse pas d’être irrésistible. Il est important de souligner que le style d’Ève-Marie Lobriaut sert admirablement, et de manière très élégante, la drôlerie et l’imagination de la jeune Elsa Schiaparelli. C’est cependant au contact de son oncle Giovanni Schiaparelli, grand astronome, que la contemplation se fera à la fois plus émerveillée et plus énigmatique : cet oncle, grâce à une nature fantasque et des yeux remplis d’amour, saura lui insuffler une forme de confiance.
Le roman est suivi d’un texte revenant sur la vie et le parcours professionnel et artistique d’Elsa Schiaparelli. Enfin, un troisième volet ouvre aux créations principales de l’artiste, une occasion de saluer les superbes croquis colorés de Madame Dessine, qui a par ailleurs réalisé les illustrations du roman.
Un livre complet, drôle et lumineux. Une manière idéale de découvrir en partie, pour les jeunes lecteurs, celle qui inventa le « rose shocking ! ».
François Baillon
Ève-Marie Lobriaut partage son temps entre l’écriture pour la presse et celle d’œuvres romanesques, notamment à destination de la jeunesse. Elle a également publié aux Éditions Les Petites Moustaches Anna en terra incognita.
Madame Dessine, alias Magalie Pouillard, est artiste-peintre et illustratrice. Ses œuvres ont été notamment exposées à Paris.
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