Elizabeth Finch, Julian Barnes (par Jean-Jacques Bretou)
Ecrit par Jean-Jacques Bretou 11.04.23 dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Mercure de France, Iles britanniques, Roman
Elizabeth Finch, Julian Barnes, Mercure de France, septembre 2022, trad. anglais, Jean-Pierre Aoustin, 197 pages, 19 €
Ecrivain(s): Julian Barnes Edition: Mercure de France
Neil, la trentaine, ex-comédien qui a du mal à se trouver s’est inscrit à un cours pour adultes. Son professeur, Elizabeth Finch, cadre d’emblée la teneur de ses interventions. Son enseignement de « culture et civilisation » fera plus référence à la maïeutique, au dialogue socratique qu’au bourrage de crâne et à la prise de notes. Elle s’adresse à des adultes et souhaite une classe active. Malgré ou à cause de sa vêture : ses chaussures plates, sa jupe qui descend juste au-dessous du genou mais aussi grâce à sa langue juste, précise, son intelligence aiguisée, il émane de sa personne une aura très particulière qui attire entre autres Neil. Ce dernier captivé très vite par ses cours devient un inconditionnel d’E.F. Ainsi, celui qui passait pour un instable, devenu platonicien en herbe ne tarde pas à succomber à ce qu’il faut bien appeler le charme singulier de son professeur. Après avoir entendu un peu de son message sur sainte Ursule et ses onze mille vierges, puis beaucoup plus sur Julien l’Apostat, source inépuisable de « dialogues » il osera l’inviter à déjeuner.
Des déjeuners, il y en aura beaucoup, immanquablement dans le même restaurant italien mais sur deux décennies. Neil est devenu un romantique stoïque. Il est épris d’Elisabeth Finch mais c’est la beauté de l’esprit de sa professeure, sa finesse qui ont eu raison de lui. Cet amour platonique et ses chemins mystérieux où l’on s’égare avec plaisir lui apporte plus de richesse, de beauté et de stabilité qu’il n’en avait connues jusqu’à présent. Elizabeth lui lèguera à sa mort sa bibliothèque, et pour continuer son œuvre, Neil plutôt que d’écrire une biographie de celle qu’il a aimée, va écrire sur Julien l’Apostat, cet empereur romain du IVème siècle qui refusa toujours de se convertir au christianisme et prêchait pour le polythéisme tel qu’il existait encore en ce temps, parce qu’il voyait plus de liberté dans celui-ci. Aimer plusieurs dieux lui semblait moins contraignant qu’en aimer qu’un seul et de plus était la preuve d’une ouverture d’esprit plus grande. Par ailleurs, comme l’aimait à le dire E.F. « Les apostats sont toujours plus intéressants que les vrais croyants, les saints martyrs. Les apostats sont les figures du doute, et le doute actif est le signe d’une intelligence active ».
C’est un beau livre que l’on ne doit pas manquer. Un livre double, une belle histoire d’amour qui sort des sentiers battus et des mièvres comptines. Ses personnages sont aux antipodes des héros traditionnels, quant à l’écriture de Barnes, elle est exacte, juste. C’est aussi une intelligente histoire de Julien l’Apostat qui mourant inspira à Swinburne les vers suivants : « Tu as vaincu, ô pâle Galiléen !/Le monde sous ton souffle est devenu gris ;/Nous avons bu le breuvage léthéen,/Et du suc de la Mort nous sommes nourris ».
Jean-Jacques Bretou
Julian Barnes, né le 19 janvier 1946 à Leicester, est un romancier, nouvelliste, essayiste et journaliste britannique publiant également des romans policiers sous le pseudonyme de Dan Kavanagh.
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A propos de l'écrivain
Julian Barnes
Julian Barnes, né le 19 janvier 1946 à Leicester, est un romancier anglais publiant également sous le pseudonyme de Dan Kavanagh.