Dualed, Elsie Chapman
Dualed, Toi ou ton Double… un seul pourra survivre, trad. Maud Ortalda Lumen édition, mars 2014, 15 €
Ecrivain(s): Elsie Chapman
Dès la première phrase – J’ai enterré presque tous ceux que j’aime – le lecteur comprend qu’il va être plongé dans un autre monde, annoncé de visu par la première de couverture au genre Survival/Dystopie. L’héroïne-narratrice n’a que quinze ans… Un premier thriller frénétique (ndle) signé de l’écrivaine canadienne ayant vécu en Colombie-Britannique et vivant aujourd’hui à Tokyo, Elsie Chapman.
Un compte à rebours s’amorce dès les premières pages. West Grayer dont les parents, un frère et une sœur pour les plus proches, sont morts inaccomplis, doit elle aussi relever le défi face à son Alt (son Alter Ego) – défi à vie/à mort.
Avant d’atteindre son vingtième anniversaire, chaque citoyen de la ville fortifiée de Kersch doit éliminer son alter ego, un jumeau génétiquement identique, élevé dans une autre famille. Le compte à rebours se déclenche un beau matin, et chacun a trente jours pour affronter son autre moi.
Compte à rebours à partir du jour et heure d’activation jusqu’au jour et jusqu’à l’heure d’expiration de l’activation où un individu désigné par le Conseil se doit de supprimer son Alt (Alter Ego) pour mériter sa place – les deux combattants promis à la mort si l’un des deux n’est pas parvenu à accomplir sa mission et donc, à tuer son double.
Compte à rebours pour le lecteur aussi, pris dans cette course effrénée d’un thriller où le minuteur génétique encrypté dans le code Alt des personnages, décompte à lui aussi lecteur ses heures, son temps de lecture, course contre la montre, CONTRE toute impossibilité à faire s’achever lui aussi la mission s’il interrompt la lecture en quelque sorte… Mais la lecture n’est pas interrompue, emporté qu’est le lecteur par ce livre d’action et de suspense au rythme déchaîné et dégainant tous les feux de son attention tenue en haleine vive dans la poursuite des événements.
L’écriture est sobre mais efficace, activée en mode Aléatoire (aléas des existences soumises à leur destin ici incarné par la suprématie souveraine d’un Conseil) mais Absolue (existences acculées à tuer à tout prix son Alt pour survivre).
Le lieu de l’action, Kersh, est une ville fortifiée dont une gigantesque enceinte en acier électrifiée la sépare de l’Extérieur. Le décor d’une ville contre-utopique digne des décors de Survival Dystopies où les personnages mus par un destin qui leur échappe – et de façon dramatique dans Dualed pour West, l’héroïne, qui ne semble plus pouvoir rien contrôler de sa route à un moment paroxystique de sa course effrénée pour la survie. Colossale (l’enceinte en acier électrifié qui sépare Kersh de l’Extérieur) se détache contre le ciel comme une rangée de dents affûtées. (…) Au loin, des lumières rouges clignotantes se perdent dans la nuit. Disséminées dans toute la ville, elles marquent le sommet des pylônes géants du réseau électrique, le bout de chaque bras d’éolienne, le bord des panneaux solaires. Elles composent les systèmes veineux et nerveux qui maintiennent notre cité en vie. Ville fortifiée apocalyptique que renvoie parfaitement l’illustration de la première de couverture signée Michael Heath, qui séduit tant de prime abord les futurs lecteurs de Dualed (cf. avis des internautes sur ce livre).
Le lecteur n’a rien à faire sinon se laisser emporter dans les artères nerveuses de la ville, aux côtés de personnages déroutés qui l’embarquent dans leurs combats frénétiques contre la mort, contre le temps.
Le magazine américain hebdomadaire Publishers Weekly – magazine international de la publication et de la commercialisation du livre – a commenté : Bourré de style, déchaîné et furieux… L’équivalent en roman d’un film de Quentin TARANTINO… Un univers de violence fondé sur des rapports de force inspirés par la haine (les Alts sont des ennemis jurés depuis la naissance) ici magnifié par le style de la romancière ; la pratique par les héros/héroïnes d’un programme d’apprentissage qui passe par le combat à mains nues, le combat au corps-à-corps puis par le maniement des armes ; un univers dominé par une instance supérieure (ici le conseil) dans une ville fortifiée, qui confère un caractère tragique aux destinées mises en jeu, dans une mise en œuvre sublimée par un style.
Murielle Compère-DEMarcy (alias MCDem)
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