Du vent, Xavier Hanotte
Du vent, octobre 2016, 432 pages, 19 €
Ecrivain(s): Xavier Hanotte Edition: Belfond
Voilà, commis par le romancier belge, un roman bien enlevé, brillant et intrigant. Ou comment tisser deux histoires en une, sans quitter l’à-propos ni verser dans le décousu main.
Ainsi, nous suivons en parallèle, poussées par le vent de l’histoire ou le bien réel météorologique, les narrations d’une relation historique à la Yourcenar et d’un fait divers crapuleux de séquestration. Nous verrons assez vite que des liens se nouent entre les deux histoires.
En quatre chapitres, le personnage de Jérôme Walque, romancier de son état, réinvente le triumvir Lépide, collègue d’Antoine et d’Octave, en pleine action d’occupation de la Sicile. Un héros tourmenté par l’éthique, renonçant à la violence et donc au pouvoir. Le portrait que Walque en fait est d’une justesse psychologique assez profonde, et la comparaison avec Yourcenar vient assez vite sous la plume, tant l’écriture reconstitue avec sagacité et flair cette époque révolue de luttes romaines pour le pouvoir. Les légions, les manœuvres de palais, les mouvements de troupes, tout y est vraisemblable.
L’histoire de Bénédicte Gardier, militaire séquestrée dans une ville portuaire, racontée au millimètre, mêle espionnage et action crapuleuse.
En parfaite alternance, les deux récits laissent flotter le vent, celui des ambitions, celui de la mer proche. Que restera-t-il de ces destins agités ? Du vent. Comme le dit si bien le Romain Lépide : « Le pouvoir, c’est du vent ». Aussi bien, la militaire Gardier s’est fait détrousser et a perdu tout pouvoir, le temps d’un guet-apens, dont elle a payé les frais.
Entre les deux fictions, deux apprentis romanciers, Jérôme et son comparse Jérémie (son double, son prête plume), et des liens subtils, puisque la chute du roman de Hanotte verra des imbrications bien mystérieuses entre le romancier de la fiction et l’une des histoires qu’il campe. Nous n’en dirons pas plus.
Lépide et Gardier, victimes de leur entourage ou de leur fonction, corsetées au sens propre et au figuré, l’un par une trop grande morale de l’histoire, l’autre par un habile jeu de circonstances, à l’image peut-être d’aujourd’hui où les politiques et les militaires sont dépassés par les enjeux du monde.
Pour réussir un romanesque de si haut vol et ménager jusqu’au bout un suspense de bon aloi, il fallait que le rythme et l’écriture suivent : les descriptions très réalistes, minutieuses, et les mouvements d’alternance entre les deux récits, favorisent l’adhésion du lecteur à un univers noir, glacé, avec peu d’espoir à la clé.
Le lecteur, dérouté au départ, trouvera très vite sa vitesse de croisière et se laissera emporter par l’Histoire ou le sordide fait divers.
Philippe Leuckx
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