Des voix dans l’obscur, Françoise Ascal
Des voix dans l’obscur, éd. Æncrages& Co, 2015, dessins de Gérard Titus-Carmel, 44 pages, 21 €
Ecrivain(s): Françoise Ascal
Le recueil de Françoise Ascal, Des voix dans l’obscur, accroche la lecture dès l’incipit par le neutre liminaire, un « ça » à la Giono, mimant « l’afflux des mots », mise en abyme du travail de l’auteur.
Le texte à proprement parler commence par un hommage à la morte (la mère ?) dont la musique provient des répétitions de mots-outils et d’infinitifs. Ecriture au lyrisme discret qui entraîne à poursuivre la découverte poétique.
Alors, dans la confusion des pronoms, se forme l’idée d’un dédoublement comme souvent en provoque l’acte d’écrire (1). De ce fait, de ses bras à « elle », quand « j’écris pour me libérer de leurs songes / rejoindre les vivants », naît le « tu » prisé par la poétique contemporaine et qui accentue ici le mystère de l’énonciation.
De brèves strophes aux mètres libres allant jusqu’à prendre la forme de versets se multiplient de deux à six dans la page. Des vers courts y côtoient de longs paragraphes qui se lisent dans un seul souffle. La respiration se retient comme celle des morts qui rôdent : « est-ce que le morts parlent » ; il y a enfin la peur qui devient ombre quand se perd le nom.
Mais, « au crépuscule », la nature reprend ses droits et, même si « la mort frappe », permet le repos. Une pause qui ouvre la voie à la définition possible, sinon d’une identité, du moins d’un comportement : « perdre du temps n’est pas à ton programme ». Puis viennent encore des fantômes, ceux qui hantent les rêves de la narratrice. Et bientôt les voix, les autres qui la harcèlent la font aspirer à la solitude. A ce propos les grands traits désarticulés de Gérard Titus-Carmel illustrent parfaitement les textes qui leur font face.
Françoise Ascal cède plus loin à la tentation de la narration avec le bref récit d’une course de vaches sous l’orage. « La vie s’ébat » mais « la mort blanchit et s’immisce dans le sang violet des myrtilles » ; il s’agit également de la mort des busards. Aussi se pose-t-elle la question essentielle : « se peut-il que le mot joie disparaisse du vocabulaire humain » puisque, pire qu’un cauchemar, la mort, dans une apocalypse, l’emporte sur le vivant. Tout est mis en cause jusqu’à l’origine et la vie des voix. La vie aussi des mots.
Quelle est donc la solution évoquée ? Disparaître ? Rejoindre les oiseaux ?
Il y a heureusement « le fil à coudre », celui « des mots-sutures » qui naissent sans fin et affament contrairement aux mots du paradis des origines « qui coulaient ensemble unis par le chant ». Il reste, à la fin du recueil, et elle est admirable, une solution d’ordre philosophique. Utopique par son conditionnel : « il faudrait apprendre à devenir », elle peut néanmoins aider à vivre. La chute est superbe car la poète s’y montre phœnix en formulant l’espoir d’une voix à attendre et le constat d’un cycle : « la vie est ronde / l’avenir attend ton retour ».
France Burghelle Rey
- Marguerite Duras parle d’un « dédoublement de l’être humain dans l’écrit ».
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