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Dernières répliques avant la sieste, Jean-Pierre Bobillot (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres le 01.03.21 dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Tinbad

Dernières répliques avant la sieste, Jean-Pierre Bobillot, éditions Tinbad, janvier 2021, 88 pages, 14 €

Dernières répliques avant la sieste, Jean-Pierre Bobillot (par Didier Ayres)

Invention/Intention

Aborder un auteur que je ne connais pas, par un simple de ses livres, lequel est peut-être la continuité d’une écriture susceptible de se développer sur un ensemble plus vaste, laisse un goût d’incomplétude. Cependant, il est possible de tirer certaines conclusions dans telles conditions, propos évidemment à demi-véridiques. Mais, là est le goût pour tout critique : jeter une sorte de fil capable de se saisir d’un poisson soluble. Et ici, au sein d’une composition graphique inventive et en suivant quelques intentions de l’auteur, j’ai distingué une démarcation nette avec toute tentative historique (hormis en relation à Dada).

L’ouvrage se développe selon deux axes : inventer, parce que la langue a subi et subit une inertie qui la leste, et que toutes les littératures du passé ne se conçoivent en définitive que pour être défaites par une autre littérature remplaçant son aînée, écrivain cadet qui s’expose à être lui aussi dépassé par un autre cadet ; ainsi, il faut défaire, pour reconstruire. Puis intentionner, viser par la pensée les structures, les scories accumulées par le temps et les scolastiques, qui gênent l’accès au vif du langage.

J.-P. Bobillot préfère cheminer plutôt que s’extasier, prendre part plutôt que se rendre à, déconstruire la confiance muette du lecteur plutôt que de lui chanter des ritournelles rebattues. Tel est, il me semble, le parti pris par cet opus. Ainsi, la mise en crise de la forme de la page, par des jeux de mots, de proverbes tronqués, de parodies de vers célèbres de poètes célèbres, pastiches risibles, s’accorde à tenir le lecteur sur une faille entre le sérieux indésirable et la force souhaitée de ces épigrammes.

Ainsi, comme Lacan l’a démontré en disant que l’inconscient est construit comme un langage, cette poésie démontre combien construire le langage est une action concertée et volontaire.

vers mal copié (autre)

Je fais souvent ce rêve : être ange et pénétrant…

démagogie médiatique

souffler le show et l’effroi

On pourrait croire que la poésie se détruit en cherchant à s’affranchir de certains codes, poursuivant en cela l’immense soupçon qui pèse sur la fiction depuis si longtemps. Mais, en regardant de plus près, l’on voit que ce recueil se déroule par vers brefs, en une musicalité à la Satie, grâce à des images – même drolatiques –, une prosodie consciente d’elle, le tout pour nous permettre de plonger dans l’intrigante chanson de l’énigmatique Comte de Lautréamont.

Q. – Lacan & le surréalisme ?

R. – Les mots font l’amour.

Et, ce qui est plus rare, l’on perçoit une volonté politique. En cela, en cette veine politique, je serais tenté de signaler l’aventure dada. En tout cas, d’un raisonnement dadaïste. J’y ai vu une forme de contestation constructive, constructiviste, un acte d’agit-prop non pas tourné contre le pouvoir mais contre les sous-entendus sibyllins d’une poésie qui serait sans rupture. Oui, il y a selon moi ici, un espoir de la rupture, et peut-être une espérance en la rupture.

 

Didier Ayres

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A propos du rédacteur

Didier Ayres

 

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Rédacteur

domaines : littérature française et étrangère

genres : poésie, théâtre, arts

période : XXème, XXIème

 

Didier Ayres est né le 31 octobre 1963 à Paris et est diplômé d'une thèse de troisième cycle sur B. M. Koltès. Il a voyagé dans sa jeunesse dans des pays lointains, où il a commencé d'écrire. Après des années de recherches tant du point de vue moral qu'esthétique, il a trouvé une assiette dans l'activité de poète. Il a publié essentiellement chez Arfuyen.  Il écrit aussi pour le théâtre. L'auteur vit actuellement en Limousin. Il dirige la revue L'Hôte avec sa compagne. Il chronique sur le web magazine La Cause Littéraire.