Dénommé Gospodin, Philipp Löhle
Dénommé Gospodin, (traduction All. Ruth Orthman), bilingue Presses Universitaires du Mirail, 2010, 151 p. 13 €
Ecrivain(s): Philipp LöhlePièce présentée au festival d’Avignon en 2011 et reprise au théâtre des Ateliers à Lyon en avril 2013. Mise en scène de Benoît Lambert.
La pièce de Löhle, aux accents beckettiens, créée à Bochum en 2007 au théâtre unter Tage/ Schauspielhaus, est bel et bien un texte de théâtre. Au seuil du texte, Sie (elle) parle d’un homme à l’abandon du monde : Tja, seine… Welt stand Kopf / Ouais son… monde est sens dessus dessous. Succession de monologues à la manière du chœur antique, portés tantôt par une voix féminine, tantôt par une voix masculine ; dialogues-scènes au nombre de treize que les noirs séparent. Tout se construit autour du drôle de gars qu’est Gospodin (Monsieur en russe) et à qui Greenpeace (« une organisation merdique ») a enlevé son cher lama. Il croise tour à tour des amis, des gens de sa famille qui ne le comprennent pas, et qui eux, s’inscrivent dans la logique sociale de notre époque : Anette, sa petite amie, Andi, le pilote, Norbert l’artiste, Sylvia la bobo… Aux yeux de Gospodin, ils incarnent ce qu’il appelle les petits-bourgeois « die Spiesser ». Ils cherchent à persuader Gospodin à rentrer dans le rang, parfois avec des arrière-pensées cupides mais en vain. Gospodin alors se réfugie dans le sommeil ou le silence.
Gospodin n’est pas politiquement correct : il est un marginal poétique qui bute sur notre monde et qui veut fuir : Und so laüft er/ et ainsi court-il. Il se cogne aux murs des supermarchés, des installations d’artistes conceptuels (Tempus fuck it). Il est littéralement sur la paille comme Job. Gospodin veut se séparer de tout, faire le vide du trop-plein des choses et être libre d’être lui-même. Ich bin ich. Il souhaite par-dessus tout renoncer à l’argent que tous les autres convoitent. Finalement arrêté et jeté en prison, il s’apaise. Il est alors cet être seul et singulier, devenu lui-même dont parle Kierkegaard, auteur de l’épigraphe de la pièce.
Marie Du Crest
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