De mon sous-sol, Grégory Rateau (par Murielle Compère-Demarcy)
De mon sous-sol, Grégory Rateau, éditions Tarmac, janvier 2024, 52 pages, 10 €
« De mon sous-sol » se titre cette nouvelle publication de Grégory Rateau aux éditions Tarmac, dans la Collection Aliénation & Liberté, dirigée par Jean-Claude Goiri. D’emblée nous pensons aux Carnets du sous-sol de F. Dostoïevski et ne sommes donc pas étonnés de trouver un extrait des carnets de l’écrivain russe en exergue du recueil. Citation reliée au contexte de ce livret, comme le veut la nature et l’esprit d’un exergue, comme il est également relié au credo viscéral de Grégory Rateau à savoir le déploiement du Poème hissé tel un vaste étendard de la Liberté à tout prix, sans compromis ni compromission, catharsis d’une tectonique foudroyante soulevant les tréteaux du théâtre de la vie, elle qui ne saurait n’être qu’un songe et qui brûle ses planches à grandes doses de dopamine, de coups de gueule, de colères, de révolte sous les pieds ailés du poète. De son sous-sol Grégory Rateau ose exposer à l’air libre la tête brûlée d’un Poème au long souffle, dont la violence libertaire et pacifique de la Voix laisse jaillir à chaque fois une présence marquée depuis l’enfance par les humiliations, l’incompréhension de la famille, la quête de fraternité, une rage de l’écriture insatiable.
Si le poète a VU « les (s)iens se replier », son Poème, lui, ne plie jamais. Il se déploie, se contracte pour reprendre souffle, et se rediffuse par un Verbe de brûlante volée où – surtout dans le ciel conspirationniste des hommes tartuffes toujours là où l’on ne les pressent pas – il s’agit moins de se brûler les ailes que de les muscler pour faire face et affirmer le Poème existentiel.
J’ai vu les miens se replier
douce indifférence
nier les harcèlements
Ses yeux, plaies vivantes, rétifs à se fermer comme ceux qui n’ont pas le courage ou la force de regarder en face « la réalité rugueuse à étreindre » (Rimbaud, Une Saison en enfer) ne sont pas « les yeux cousus / déjà prêts à l’embaumement » de ceux qui courbent l’échine. « Les vieux copains » (Léo Ferré) n’ont qu’à bien se tenir, le poète Grégory Rateau ne faiblira pas ni ne fera « un pas en arrière » sur la piste du Vivre qu’elle soit celle des « paumés » ou des « bien nés, (des) dominants, (des) motocyclés / jouissant par avance de tous nous posséder ».
De (s)on sous-sol le poète « mal élevé » s’interroge sur son avenir respirable (ou non) « à l’aube de (ses) quarante ans », sur sa résistance au combat, sur la nécessité de passer le flambeau à une jeunesse révolutionnaire (ou pas)…
Ecce homo de son sous-sol via la voix du poète maudit, révolté, libertaire, boxe des deux poings sur le ring souterrain / clandestin des combats engagés pour suer, transcender cette chienne de vie qui nous voit tous un jour faiblir, clamser enfin puisque c’est la seule issue possible. Combat engagé à contre-courant à attendre dans les halls de l’existence
Jusqu’à ce que (nos) blessures
se referment sur elles-mêmes
L’enfance maltraitant le « ni enfant ni adulte » qu’il est alors, objet de raillerie ou de violences physiques, impuissant mais déjà la rage au ventre, avant la rage d’écrire qui remontera des mêmes tripes et de la même opiniâtreté à faire front, faire feu de tout langage, avec l’envie d’en découdre, de rendre des comptes, au fil tranchant des mots. Si la peau du gosse ou de l’adolescent-poète a fini, à force de coups, par s’endurcir, la lame de ses mots, langue d’encre, de sel et de sang, n’en a pas fini de s’affûter et d’apposer ses empreintes, depuis l’« assemblage de briques / assez pour (le) surélever » formé par les livres.
des mots qui ne ressemblaient à rien d’autre
des galaxies contenues parfois dans une phrase
de vraies claques
Rimbaud, Miller, London, Istrati
Affamés de découvertes
de justice
d’une toute autre liberté
(…)
Je la sens grandir en moi à mon tour
cette langue souterraine
le Bruit et la Revanche
De (son) sous-sol, elle le tient ouvert sur le ciel des clairvoyances, ce carnet de « la Revanche » signé Grégory Rateau…
Murielle Compère-Demarcy
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