D’Amours, David Léon (par Marie du Crest)
D’Amours, septembre 2019, 40 pages, 10 €
Ecrivain(s): David Léon Edition: Espaces 34
« L’art d’aimer »
Je reprends pour cette chronique le titre en traduction française du célèbre texte d’Ovide, mais en le détournant, parce qu’il me semble que David Léon considère, quant à lui, l’amour dans sa dimension créative entre théâtre et poésie. Le poète latin de son côté proposait à ses lecteurs une manière d’envisager l’amour. David Léon, lui, fait entendre une suite fragmentaire des états amoureux (chaque page correspond avec son titre, à un moment, à un lieu, à un état de l’amour) : son écriture fait art des corps, du désir, des scènes érotiques et des voix des amants.
Le titre du livre plonge la lectrice, le lecteur, dans les songeries de textes qu’elle a lus. Je me souviens alors des Amours de Ronsard, du stendhalien De l’Amour, et des Fragments d’un discours amoureux de Barthes, que l’auteur lui-même convoque en épigraphe et dont il adopte, en quelque sorte, le principe de saynète comme celle de la rencontre, ou du regard porté sur l’endormi. Une expression populaire remonte aussi à ma mémoire : vivre d’amour et d’eau fraîche, comme si justement l’amour se vivait dans la simplicité régénératrice du monde. Et il y a de cela dans le lyrisme de David Léon.
La pièce regroupe des « micro-scènes » de théâtre, qui sont autant de photographies poétiques. David Léon a organisé son livre en quatre grandes parties, elles-mêmes subdivisées en sous-parties autour des élans puissants de l’amour, chaque fois repris 3 fois, au centre de la page : Joie (p.16), Désir(p.24), Amour (p.29), précédés de Voyage. Il semble donner ainsi une architecture musicale en crescendo à son texte.
La matière de cet amour (le texte est dédié à un toi de l’intime), et de l’amour dans sa multiplicité puisque d’amours est au pluriel, est constitué du corps aimant (les mains, le ventre, les lèvres, les yeux…), de la sensualité du monde et notamment de celle des nourritures telles que les fruits, toutes les gourmandises possibles, mais aussi des circonstances dans lesquelles se trouvent les amants. Ainsi David Léon dessine-t-il une géographie amoureuse ensoleillée, méditerranéenne, marocaine. Mais l’amour doit aussi toujours se déclarer, se proclamer, s’avouer dans la trame textuelle ; des paroles, des dialogues le plus souvent en italiques se font entendre ; voix féminine et masculine. L’Amour est théâtre.
Mais un théâtre façonné comme un chant choral et comme une oralité spontanéité : chérie d’amour, ma moure, oh mon amour. Le texte met en œuvre en outre une prose-parole qui se défait des marques de ponctuation qui, d’une certaine façon, fonctionne comme une grammaire, des coupures, des pauses, des délimitations au cœur du langage. Les mots simplement en eux-mêmes.
Cette spontanéité par ailleurs n’ignore pas la fragilité sentimentale. Les mains qui se sont trouvées peuvent se séparer à jamais mais toujours dans la beauté du verbe poétique.
J’ai consacré divers articles à l’œuvre de David Léon, dans La Cause Littéraire.
Le texte de David Léon sera mis en voix en octobre 2019 (chant et musique) à la maison de la poésie Jean Joubert de Montpellier.
Marie du Crest
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