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Contre les « caricatures » et pas contre Daech ?

Ecrit par Kamel Daoud le 17.03.15 dans Chroniques régulières, La Une CED, Les Chroniques, Côté actualité

Contre les « caricatures » et pas contre Daech ?

 

Qui a vu la vidéo du pilote jordanien brûlé vif dans une cage ? Peu. Beaucoup. A peine quelques secondes. Intolérables images. A quelle limite va s’arrêter l’horreur voulue et élaborée de Daech ? Mais l’autre question est : pourquoi tant de gens se mobilisent quand l’Occident est accusé de porter atteinte à l’islam et que l’on ne fait rien contre Daech qui massacre cette religion, son sens, les siens et son sang ?

Pourquoi « je suis Charlie » semble plus choquant pour certains que la vidéo de ce pilote brûlé vif ? Pourquoi on pense que l’Occident menace l’islam et les musulmans plus que ces monstres avec leur drapeau noir et leurs méthodes de barbares ? Pourquoi une caricature semble porter atteinte à l’islam aux yeux de certains et pas un « Savant » pédophile en Arabie Saoudite, un vendeur d’esclaves femmes kurdes chez Daech ou un revendeur d’écolières à 20 dollars au profit de Boko harem ?

On connaît tous la réponse du côté Sud du turban : l’occident est un complexe dans nos âmes et sa haine explique nos replis et masque nos lâchetés. Ce n’est pas l’islam qu’il s’agit de défendre pour beaucoup d’entre nous, mais nos détestations et nos infériorités. Sinon, rien n’explique pourquoi vendre des fillettes par Boko harem provoque moins d’émeutes, de manifestations et d’hystérie que des caricatures ou qu’un pasteur américain fou qui brûle une page du Coran.

C’est qu’il ne s’agit ni d’âme, ni de Dieu, ni de croyances ni de respect, mais d’allergies et de facilités et de prétextes. On pourra toujours se mentir, en groupe, seul ou en nations, cela ne changera pas cette vérité. Le pilote jordanien est pourtant musulman pour rester dans la logique du troupeau ! Daech porte atteinte à l’Islam non ? Il en caricature le sens et l’apparence ?

El Baghdadi est plus insultant pour Mohammed que la caricature de Charlie, non ? Et donc pourquoi cela ne provoque pas des marches à Alger et au Pakistan ? Pourquoi on ne se sent pas « atteint dans sa foi » ? Pourquoi il n’y a pas d’islamistes dans les rues qui crient « nous sommes Maaz al-Kassasbeh » ?

Les raisons, nous les connaissons tous : lâcheté, inculture, mensonges, hypocrisie collective, haine de l’Autre, politiques et populismes. Nous savons bien que nous mentons et que nous crions de plus en plus fort pour nous le cacher à nous-mêmes. Je ne crois pas à la foi de ceux qui s’offusquent avec bruits et fracas d’un dessin et d’une caricature et ne se sentent en rien concernés quand on brûle un être humain au nom de cette religion, en la réduisant en même temps en cendres et misères.

 

Kamel Daoud


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A propos du rédacteur

Kamel Daoud

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Kamel Daoud, né le 17 juin 1970 à Mostaganem, est un écrivain et journaliste algérien d'expression française.

Il est le fils d'un gendarme, seul enfant ayant fait des études.

En 1994, il entre au Quotidien d'Oran. Il y publie sa première chronique trois ans plus tard, titrée Raina raikoum (« Notre opinion, votre opinion »). Il est pendant huit ans le rédacteur en chef du journal. D'après lui, il a obtenu, au sein de ce journal « conservateur » une liberté d'être « caustique », notamment envers Abdelaziz Bouteflika même si parfois, en raison de l'autocensure, il doit publier ses articles sur Facebook.

Il est aussi éditorialiste au journal électronique Algérie-focus.

Le 12 février 2011, dans une manifestation dans le cadre du printemps arabe, il est brièvement arrêté.

Ses articles sont également publiés dans Slate Afrique.

Le 14 novembre 2011, Kamel Daoud est nommé pour le Prix Wepler-Fondation La Poste, qui échoie finalement à Éric Laurrent.

En octobre 2013 sort son roman Meursault, contre-enquête, qui s'inspire de celui d'Albert Camus L'Étranger : le narrateur est en effet le frère de « l'Arabe » tué par Meursault. Le livre a manqué de peu le prix Goncourt 2014.

Kamel Daoud remporte le Prix Goncourt du premier roman en 2015