Contes de Nouvelle-Zélande, Pascale Fontaine, Émilie Géant (par Yasmina Mahdi)
Contes de Nouvelle-Zélande, Pascale Fontaine, Émilie Géant, éditions Cipango, Coll. Tamtam, juin 2021, 96 pages, 16,50 €
Aotearoa
Pascale Fontaine a collecté une série de contes de la Nouvelle-Zélande, contes perpétués de façon orale, qu’illustre Émilie Géant, née en 1980, diplômée de l’École Émile Cohl de Lyon, et qui vit dans ce pays d’Océanie, appelé en maori : Aotearoa. Ce continent situé à 2000 km de l’Australie est très isolé géographiquement, situation qui a permis le développement d’une flore et d’une faune riches et variées, comme les kauri géants, les insectes weta, les kaponga et le kiwi (deux oiseaux symboles nationaux). Les Maoris sont arrivés entre 1050 et 1300 tandis que les Européens eux ont débarqué en 1642.
Ainsi, dans ce livre à la forme d’un carnet de voyage, en couverture au format 16x24 cm, l’on voit un jeune Maori, Tinirau, chevaucher une baleine, Tutunui, au milieu de vagues tourbillonnantes. Les allégories et les coutumes sacrées de ce peuple océanien, les noms propres et les noms communs désignant des objets et des lieux, des chants et des incantations, rythment le récit de la théogonie de la Nouvelle-Zélande.
L’on découvre le long des contes de grands navigateurs et de grands sculpteurs, une langue poétique. Des renseignements de type documentaire sont insérés entre chaque légende. Une cosmogonie panthéiste est née dans les flots de ces nombreuses îles, dans lesquelles l’humidité et d’autres dangers pénètrent le sol. Pascale Fontaine répertorie des espèces rares comme le Pukeko, le Pipiwharauroa, le Pukeko et l’arbre Totara.
Les gouaches rehaussées de traits noirs d’Émilie Géant confèrent une intensité aux détails des dessins de caractère expressionniste, permettent de discerner ici des oiseaux insolites, là des paysages sauvages, naturels, ailleurs des scènes relatant des histoires magiques. Les Maoris ont dû lutter pour apprivoiser cette terre hostile aux eaux tumultueuses, à la végétation dense. L’art du tatouage, de la construction des pirogues et des habitations caractérise leur civilisation traditionnelle et totémique. Dans les régions et les différentes tribus qui apparaissent dans le livre, les dieux tutélaires veillent au respect de la végétation et des animaux. Les humains doivent demander leur autorisation pour les couper ou les capturer, au risque d’être sujets à des enchantements ou des maléfices.
Les forces chtoniennes, le syncrétisme entre les légendes des héros et les traditions, une morale sévère, le sens du sacrifice, la mort et la résurrection, la mystique, font partie de la foi Maorie. Des esprits puissants punissent les impudents, dont une terrible femme-oiseau au plumage de nuit bleu marine. Dans le conte relatant la trajectoire de Niwareka, « fille du chef d’un petit village », la jeune femme, nouvelle épousée d’un prince guerrier, refuse la violence et les actes sanguinaires, et se réfugie chez « la déesse de la mort ». L’enfer existe et le traverser est une épreuve, en triompher, une rédemption. À l’instar de tous les universaux des contes, l’opposition se joue sur des codes moraux, des actions de bonté ou répréhensibles entre les partenaires et les ennemi(e)s.
Sur les petits tableaux d’Émilie Géant figurent des scènes de pêche, des scènes culinaires, des portraits. Sur une page, peinte dans un noir chaud, un blanc luminescent et des gris rosés, une jeune Maorie vêtue d’un pagne, souple comme une liane, croit pêcher une anguille et ramène au bout de sa ligne un monstre marin au bec doté de dents et aux pattes à grandes griffes, le taniwha. Ce livre est une approche historique et artistique d’ethnies de communautés relativement méconnues, résumant les rites et les tabous – certains cruels. Quelques éléments de langage sont traduits et permettront au jeune public de se familiariser avec l’héritage de la Nouvelle-Zélande, de la culture Maorie et de sa parentèle. L’historien néo-zélandais Michael King (1945-2004) décrit les Maoris comme étant « la dernière communauté humaine majeure de la terre qui n’ait pas été touchée ni affectée par le vaste monde ».
Dès 9 ans.
Yasmina Mahdi
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