Conservez comme vous aimez, Martine Roffinella (par Jean-Paul Gavard-Perret)
Conservez comme vous aimez, Martine Roffinella, Ed. François Bourin, février 2020, 120 pages, 16 €
Martine Roffinella : vie mode d’emploi
Pour recenser les lueurs claires et sombres de l’existence dans le monde tel qu’il est, Martine Roffinella les met en récit. Ici à travers son héroïne, Sibylle, qui fut une reine du marketing avant d’être supplantée par une louve aux dents aussi impeccables que blanches.
Cet esprit de résistance est chevillé à sa Sibylle jusqu’à son acte de malveillance que le lecteur découvrira, et ce, jusqu’à ce que la perspective de la mort devienne sympathique. Si bien que la créatrice cultive par la fiction ses obsessions et ses errances jusqu’à les pousser où elle ne se permettrait pas d’aller. Placardisée, atteinte de tics et de tocs elle va commettre l’irréparable.
L’approche est singulière – quoique chargée de termes anglais qui – quoique pour faire vrai – finissent par fatiguer. Mais c’est une manière de réinventer et de recharger le réel de la société de manière burlesque et avec démesure. Et ce, pour atteindre le crucial qui permet de décortiquer les rapports de soumission/domination qui régissent la quasi-totalité des actes d’une communauté humaine des plus improbables.
Tout est présenté de manière allègre et oblique. Et cela permet à l’auteure de se dire elle-même sans le déballage de type autofiction. Comme souvent dans ses textes, existe dans ce roman un voyage aux abîmes de l’époque. S’y référant, l’écrivaine n’ignore rien de ses déferlantes qu’au besoin elle monte en neige. Elle plie ou déplie les mots comme un drap blanc avec élégance mais non parfois sans tics de langage bourré de formules « à l’anglaise ».
Mais la diablesse sait secouer les pages en divers zigzags. Les êtres s’approchent, s’éloignent avec ce que l’auteure possède d’extrême conscience (presque angoissante) de l’existence là où les femmes veulent jouir d’une responsabilité et d’un éclat. Mais lorsque l’intense création liée à l’activité se clôt, le plaisir se retire. Il faut en trouver d’autres. Quel qu’en soit le prix. Est-il non négociable ou discutable ? Au lecteur d’apprécier.
Jean-Paul Gavard-Perret
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