Concours pour le Paradis, Clélia Renucci (par Guy Donikian)
Concours pour le Paradis, août 2018, 268 pages, 19 €
Ecrivain(s): Clélia Renucci Edition: Albin Michel
Venise, nuit du 20 décembre 1577. Le feu ravage le palais des Doges. Véronèse, réveillé par son frère Benedetto, ne s’alarma tout d’abord pas de l’incendie, mais devant l’agitation inhabituelle des Vénitiens, il ne put que se rendre à l’évidence : l’affaire était grave, et le palais des Doges allait subir des dégâts très importants.
« Rien ne subsistait de la salle du Grand Conseil, ni les bancs des patriciens, ni la tribune sculptée dans un bois précieux, ni les dizaines de portraits des doges répartis en frise en-dessous du plafond aux cadres dorés à l’or fin. De l’immense fresque représentant le Paradis, ils distinguèrent à peine quelques fragments ». Ce sont là les dernières lignes des premières pages de ce roman historique qui donnent au lecteur le propos du livre : Le Paradis, cette immense toile ayant été détruite, c’est son remplacement dont il va être question et les conditions et péripéties qui vont en émailler la facture.
Paolo Caliari, dit Véronèse, Jacopo Tintoret, furent choisis, ainsi que d’autres peintres, alors connus, pour participer au concours organisé pour désigner celui (ou ceux) qui auraient le privilège de peindre le nouveau Paradis. C’était en effet la tradition à Venise que d’organiser des concours plutôt que de désigner d’office un peintre.
Un « programme » fut établi qui donnait les lignes directrices de ce que le Paradis devait donner à voir. Et chacun dut donc se mettre au travail pour obtenir les faveurs d’un jury et bénéficier de l’honneur d’être désigné « le » peintre du Paradis. Jusque-là, tout aurait pu se passer sans encombre et cette immense toile aurait pu renaître relativement rapidement. Mais l’Histoire en a voulu autrement.
Tintoret avait déjà une esquisse composée qui ne pouvait, selon ses dires, n’être que choisie. Mais c’était sans compter sur les méandres des relations humaines qui mirent en lien les enfants des grands maîtres qu’étaient Véronèse et Tintoret. Et c’est par un concours de circonstances parfaitement décrites que l’esquisse du Tintoret fut soumise à Véronèse qui ne manqua pas de s’en inspirer. « Tintoret ne décolérait pas. Il cherchait à comprendre comment ce traître de Véronèse avait bien pu se procurer son esquisse ».
Les péripéties vont émailler cette histoire qui verra Véronèse et Bassano choisis pour peindre le Paradis. Mais cette immense toile ne verra le jour que plus tard pour des raisons que Clélia Renucci a su mettre en valeur dans un récit qui tient du roman autant que de l’Histoire, Histoire qui ici est aussi celle de la puissance de Venise.
Guy Donikian
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