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Comment regarder un match de foot, collectif

16.03.16 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais

Comment regarder un match de foot, Raphaël Cosmidis, Gilles Juan, Christophe Kuchly, Julien Momont, Solar Editions, janvier 2016, 506 pages, 17,90 €

Comment regarder un match de foot, collectif

 

Comment regarder un match de foot

Avec les yeux et sans chicha ni chichis

Si vous n’aimez par le football ou si vous pensez que c’est un sport qui met en présence 22 abrutis auxquels on n’a confié qu’un seul ballon, passez votre chemin.

Si vous pensez que le football se limite aux pensées stratosphériques du philosophe chti-bavarois Franck Ribéry, « nous on est des joueurs qu’on va vite avec le ballon », cet ouvrage, dû à la plume de quatre érudits passionnés du ballon rond, n’est pas pour vous.

Car le football n’est pas seulement un sport où des supporters avinés dotés d’un QI de protozoaire braillent des insultes à l’attention des joueurs de l’équipe adverse, c’est aussi un jeu susceptible de plaire aux esthètes et aux intellectuels, souvent désespérés par les interviews pitoyables (comme dirait Laurent Blanc) des joueurs ou les commentaires affligeants des experts ou prétendus tels.

Mais si vous souhaitez :

– Vous initier aux subtilités du 4 4 2, du 3 3 3 1 du WM ou du catenaccio,

– Savoir comment l’idée de placer un libero derrière la défense est venue en 1946 à un certain Giuseppe Viani en observant sur une plage italienne que les doubles filets des pêcheurs empêchaient les poissons qui s’étaient faufilés entre les premières mailles d’échapper au second rideau,

– Découvrir que les ailiers de jadis « des mangeurs de craie » sont en voie de disparition (de quoi empêcher de dormir l’amateur de débordements en tous genres),

– Apprendre que « le meneur de jeu est la base de la toile d’araignée »,

– Vous remémorer comment Johan Cruijff a jadis tiré un penalty indirect (il a d’ailleurs été imité peu après la sortie de ce livre par Lionel Messi)…

Vous allez vous régaler !

Car, depuis quelques années, le football est devenu un sport de tacticiens et de stratèges. Par exemple quand, une nuit de mai 2009, l’insomniaque entraîneur du Barça, Pep Guardiola, fait venir Lionel Messi (ballon dort ?) au milieu de la nuit pour lui expliquer, DVD à l’appui, où il devra se faufiler (« entre les milieux de terrain madrilènes, qui pressent haut et la charnière centrale » qui reste basse) pour que le FC Barcelone atomise le Real Madrid le lendemain. Résultat : 6-2 pour les Catalans.

Naïf lecteur qui croit que le catenaccio a été inventé par les Italiens. Tssssss ! le catenaccio (verrou en italien) remonte à Clausewitz qui prétendait que « la forme défensive de guerre est en soi plus forte que l’offensive ».

Et question défense, cet ouvrage n’y va pas par quatre chemins. Aux premiers temps du football, dans les années 1860, la tactique était des plus rudimentaires : on attaquait à 7 et on défendait à 3 plus le gardien de but.

Aujourd’hui où les équipes, notamment quand elles affrontent un adversaire plus fort, défendent parfois à neuf pour ne pas encaisser de but, laissant un pauvre attaquant esseulé, on emploie l’expression « garer le bus », périphrase signifiant défendre en masse (on place le car qui a servi à amener les joueurs au stade devant leur but pour contenir les assauts des adversaires et repartir avec un glorieux 0-0).

Les auteurs citent l’exemple de Guy Roux, aux temps anciens où son équipe d’Auxerre évoluait en seconde division (où elle a fini par retomber après le départ de son mythique entraîneur), époque où il n’y avait qu’un ballon et pas de ramasseurs de balles. « Quand il y avait 0-0 ou 1-0 pour nous à dix minutes de la fin, je faisais signe et là, honte complète… Quand on arrivait au milieu du terrain, au lieu d’attaquer on mettait une jolie balle à côté du poteau de corner (…). L’adversaire devait aller faire une touche et ça prenait trente secondes. Et on en mettait quatre ou cinq comme ça en attendant la fin du match ».

Mais on peut aussi jouer à la barcelonaise, équipe qui a fait fructifier l’héritage du grand Johan Cruijff et recourir aux stratégies de « la conduccion » de « l’homme libre » ou du « troisième homme » qu’il serait trop long de développer ici. Car, comme disait Baudelaire, homme libre toujours tu chériras le foot.

On découvre aussi, en lisant Comment regarder un match de foot que les plus grandes équipes (Manchester United pour ne pas la citer) peuvent ignorer ce que sait tout amateur moyen de douze ans et demi : pour marquer un but, mieux vaut tirer les corners rentrants.

Une seule critique à cet ouvrage collectif dû aux plumes de quatre jeunes Dé-managers qui tiennent un blog d’analyses tactiques : l’emploi fautif (page 400) du verbe « remiser » qui est devenu courant chez les commentateurs sportifs qui ignorent que le participe passé « remis » est celui du verbe « remettre». Et remiser signifie exactement le contraire de ce que l’on veut dire. Le coupable sera condamné à passer une soirée à lire le dico à Serge Aurier qui ne connaît pas bien le sens de certains mots et qui croit qu’il joue au fiootball.

 

Fabrice del Dingo

 

Passionnés de football, les quatre auteurs de ce livre, Raphaël Cosmidis, Gilles Juan, Christophe Kuchly et Julien Momont, tiennent un blog consacré à la tactique sur le site des cahiers du football :

http://cahiersdufootball.net/blogs/les-de-managers/

 

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