Comédie française Ça a débuté comme ça, Fabrice Luchini
Comédie française Ça a débuté comme ça, mars 2016, 256 pages, 19 €
Ecrivain(s): Fabrice Luchini Edition: Flammarion
Le passeur de textes
On ne sait pas grand-chose de Fabrice Luchini. On connaît le personnage médiatique, qui vient présenter ses spectacles ou ses films avec brio sur les plateaux de télévision et n’épargne aucun présentateur de ses coups de folie drolatiques. On connaît le comédien de talent, qui prête sa voix aux plus grands auteurs français. Il livre bien, de temps en temps, dans une interview quelques « indiscrétions » un peu plus intimes, mais le plus souvent pour amuser la galerie, de sorte qu’on ne sait jamais si elles sont réelles ou de circonstance. Son autobiographie, que publient les éditions Flammarion, est alors d’autant plus attendue par tous ceux qui suivent le comédien et en admirent le talent.
Cependant, pour ce qui est des confessions, ils seront déçus. L’autobiographie de Luchini n’a d’autobiographie que le nom. Certes, il nous gratifie de quelques anecdotes amusantes sur ses débuts en tant qu’apprenti-coiffeur, sur sa rencontre avec Éric Rohmer, Roland Barthes, ou sur sa découverte de l’écriture de Céline… Le tout est entrecoupé des feuilles d’un journal « intime » (du 1er juin au 25 septembre 2015) dans lesquelles il évoque par exemple, rapidement, une rencontre avec Olivier Besancenot dans un train ou un dîner avec Emmanuel Macron et son épouse Brigitte… Mais là encore, aucune « révélation ».
L’intérêt de cette autobiographie est donc ailleurs. Non pas dans ce que l’acteur dit de lui, mais dans ce qu’il dit des autres, et plus précisément des écrivains, des poètes et dramaturges qu’il admire et dont il dit ou joue les textes depuis de nombreuses années. On le comprend dès les premières pages, cette passion pour les mots, pour le génie dans grands auteurs, n’est pas feinte, elle n’est pas une façade. La littérature, c’est la vie de Luchini, il la vit dans sa chair, il l’adore et la vénère comme une maîtresse.
D’ailleurs, il en parle bien, de ces textes, de ces écrivains ! Les pages sur Céline, sur Molière ou sur Barthes sont la manifestation éclatante de la connaissance qu’il a de leurs œuvres. Non pas une connaissance scolaire ou universitaire, mais un savoir quasi charnel, celui de ceux qui ont incarné les rôles, qui ont lu et relu les textes, qui les ont dits, les ont répétés et appris. Un savoir qui – pour reprendre les derniers mots de la Leçon de Roland Barthes – renoue avec son étymologie et cherche « le plus de saveur possible ». Luchini est imprégné de lectures, de mots, de tirades et de vers. Elle est là, l’histoire de sa vie !
Comédie française est une invitation réjouissante. A ouvrir ou rouvrir Voyage au bout de la nuit de Céline, Les Fables de La Fontaine, ou Fragment d’un discours amoureux de Roland Barthes. Une invitation aussi à aller écouter et voir le comédien sur scène. Il est sans conteste un merveilleux passeur de textes et un très bel ambassadeur de la littérature.
Arnaud Genon
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