Coco et la petite souris, Romain Jallon / Chiens, Portraits brossés, Adeline Tillier, Prune Cirelli (par Yasmina Mahdi)
Au pays minuscule
Coco et la petite souris, Romain Jallon, éditions L’Étagère du bas, mars 2023, Ill. Lucille Placin, 24 pages, 11,50 €
Ce joli livre pour enfants est très maniable grâce à son petit format carré de 19 cm, ce qui le rend d’autant plus précieux. Romain Jallon (né en 1982, ingénieur et docteur en mathématiques), pour son premier album pour enfants, prend le prétexte de la petite souris qui remplace la dent de lait sous l’oreiller par une pièce de 5 francs, pour inventer l’histoire de Coco, qui, elle aussi, « a une dent qui bouge beaucoup ».
L’auteur revisite Les Aventures d’Alice au pays des merveilles, se référant peut-être au moment où, dans le 2ème chapitre, Alice rencontre une souris française. Ici, dans un environnement plus actuel, grâce à un père bricoleur et inventeur, c’est Coco qui va être confrontée à une rencontre magique. Dans ce périple extraordinaire, Coco va déambuler au milieu d’un drôle de territoire, guidée par la petite souris.
Romain Jallon fait interférer le réel avec le féérique, et son texte peut être lu comme un conte. Il offre une vision du monde qui repose sur le respect des plus petits, des animaux, l’entente familiale et l’échange. La réalisation des rêves de la petite fille prend naissance depuis l’intérieur douillet et aimant des parents. La drôle de machine fabriquée par papa se met alors à fonctionner…
Lucile Placin (née en 1981 à Bordeaux, diplômée de l’École Émile-Cohl de Lyon) travaille en free-lance pour différents éditeurs d’albums jeunesse. Pour Coco et la petite souris, elle schématise les objets et les expressions des personnages, ce qui lui permet d’en représenter une certaine quantité de proportions variables. La perspective est plane et fantaisiste, propre à cet univers onirique. L’illustratrice ose utiliser des noirs denses et profonds pour les cheveux, le sol, le ciel et les magnifiques ombres portées des silhouettes florales. La texture de la gouache et les ajouts de crayons de couleur et de pointe fine noire mettent en valeur la subtilité des roses, des bleus, des verts pastels, des ocres, des terres de Sienne chocolat, du jaune éclatant et du blanc laiteux. Le style plastique a quelque chose du cartoon, avec les grands yeux, les petites mains, et l’exécution a beaucoup d’élégance.
La petite souris est anthropomorphisée, joliment vêtue et reconnaissable comme souris. Le petit peuple de mammifères rongeurs est respecté par Coco, et ce travail à quatre mains s’éloigne heureusement de l’image des vilains nuisibles ! Ici, les souris sont inventives et facétieuses, dialoguant avec les fées.
Dès 3 ans.
Chiens, Portraits brossés, Adeline Tillier, Prune Cirelli, éditions L’Étagère du bas, avril 2023, 32 pages, 13,50 €
De la domestication
Chiens (format 14 x 20,5 cm) est un beau livre qui s’apparente à un livre d’artiste. En effet, plus d’une vingtaine de portraits brossés de chiens se donnent à voir comme un album de famille, car l’espèce canine y est anthropomorphisée, s’exprimant avec des désirs et des caractères propres aux femmes et aux hommes de tous âges. Et ici, elle est douée de langage. Et cette parole, c’est Adeline Tillier (dont c’est le premier texte pour enfants) qui la retransmet via Jacob, philosophe… Jacob va donc nous présenter sa liste d’amis et d’amies.
Adeline Tillier va repérer les facultés sensibles de chaque espèce, et leur accoler une profession si, au cas où, les chiennes et les chiens copiaient les humains. Ainsi, selon la race décrite, un tel a du flair, un autre met à profit sa puissante musculature pour exercer un métier sportif, d’autres plus petits s’adonnent à des activités du secteur tertiaire. Par exemple, des belles chiennes à longues oreilles et yeux de velours sont coquettes et décideuses, d’autres, très chics, ont des occupations bourgeoises. L’attribution des métiers à nos compagnons domestiques change selon les types et les morphologies, ce qui va permettre au jeune lectorat une réflexion sur l’avenir et le choix de vie. De plus, ces portraits offrent l’occasion de prendre en cause l’existence de ces êtres familiers, et de les respecter comme individus.
Les illustrations de Prune Cirelli (née en 1975, qui a travaillé pour des grandes marques de luxe et la faïence) sont particulièrement réussies, émouvantes dans les expressions de ces bêtes qui nous sont coutumières. Les portraits sont réalisés à l’aquarelle avec des rehauts à l’encre de Chine. Le chien se retrouve au sein des préoccupations de l’art contemporain, tel le braque de Weimar de William Wegman, et plus anciennement dans la cynocéphalie de l’art égyptien. Prune Cirelli confère aux spécimens canins une inquiétante étrangeté. La gamme chromatique de l’illustratrice varie du rose thé au noir bleu, de l’ocre au brun, de pelages aux longs poils, bouclés ou raides ou au contraire, aux épidermes à poils ras.
Ce bel album renseigne également sur le nom exact des espèces de nos commensaux fidèles et rêveurs.
Abordable dès 7 ans et pour tout public.
Yasmina Mahdi
- Vu : 1090