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Circonvolutions (Soixante-dix variations autour d’elles-mêmes), Stéphane Sangral (par Claire-Neige Jaunet)

Ecrit par Claire-Neige Jaunet 11.03.19 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Editions Galilée

Circonvolutions (Soixante-dix variations autour d’elles-mêmes)

Ecrivain(s): Stéphane Sangral Edition: Editions Galilée

Circonvolutions (Soixante-dix variations autour d’elles-mêmes), Stéphane Sangral (par Claire-Neige Jaunet)

Le recueil de Stéphane Sangral Circonvolutions nous conduit là où l’on peut s’étonner de l’espace et du temps, et même de son propre corps, de sa pensée, de sa conscience, de tous ces « souterrains » où le vide et le plein, le fini et l’infini, le beau et le laid, l’absurde et la cohérence, le grand et le petit, l’absence et la présence, ne cessent de se renvoyer l’un à l’autre. Et le texte qui dit tout cela n’est-il pas lui aussi « étrange », et « étranger » à cela même qui le produit et à celui-là même qui l’écrit ?

Qu’est-il, ce texte, s’interroge le poète : un « sursis bien trop court », un creuset qui accueille le désespoir, l’épuisement, l’ennui, l’« incapacité de lire le réel », le « leurre de la conscience », le regret de « se gâcher la vie par l’angoisse de sa fin », la fragilité de la « représentation » qui permet aux idées de ne tenir « en équilibre » que durant un moment limité… Le texte est une mise « à nu » totale : s’il permet de « mourir un peu moins » et de répondre au « besoin de faire puisque je ne sais pas être », une « absence » cependant s’affirme « sous la forme », le « cercle vicieux du Rien » (et « du Tout ») et « le tapis roulant du temps » s’y invitent et inscrivent la mort dans chaque circonvolution. Entre révélation et dissimulation, le texte est recherche de « L’Un », alors que bruissent des voix que seule une construction polyphonique peut donner à entendre.

Il ouvre la voie d’un regain de sens et d’une conquête de la liberté où il s’agit de « pousser les mots » aux confins d’eux-mêmes, à l’extrême limite de leur signification, de les faire glisser l’un vers l’autre pour que surgissent des variations. Pousser les mots dans des échos oubliés tant et si bien que s’impose la nécessité de rompre avec le code usuel et de le soumettre à de nouvelles apparences pour l’éprouver : déconstruction de l’écriture versifiée, italiques et discours enchâssés, changements typographiques hors normes, lignes où les points remplacent les mots par de longs silences ou des effacements, et même pages entièrement blanches qui deviennent elles-mêmes poèmes…

Le texte est « impuissant », et pourtant il permet un regain d’être quand s’inversent les pôles et que le je devient « ce poème qui m’écrit », qui écrit « une façon de fuir » – vers l’infini. Vers ces pages où se tassent de petits caractères serrés les uns contre les autres, sans autre fin que des points de suspension achevant le texte-fuite sans le terminer.

 

Claire-Neige Jaunet

 


  • Vu : 1959

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A propos de l'écrivain

Stéphane Sangral

 

Né en 1973, Stéphane Sangral est poète, philosophe et psychiatre.

 

A propos du rédacteur

Claire-Neige Jaunet

 

Claire-Neige Jaunet écrit régulièrement des chroniques de poésie pour Mobilis (pôle régional de coopération des acteurs du livre et de la lecture en Pays de la Loire).